un de plus dans la marmaille. - Ferme des Mitch (route 5)

Cette fois-ci, Kenshîro avait pensé à s'armer de lourdes bottes en caoutchouc. Certes, les souliers s'avéraient tout à fait inélégants, mais au moins ses chaussures de voyage n'iraient pas patauger dans la gadoue dégoûtante de la ferme des Mitch.
Duncan s'était perché sur l'épaule du jeune homme, à l'abri des flaques fangeuses dans lesquelles clapotaient les semelles du borgne et du fermier. Parfois, leurs jambes s'enfonçaient jusqu'au mollet dans un trou invisible, et s'en extirpaient dans un bruit de succion tout à fait désagréable.
Égide semblait quant à lui parfaitement dans son élément. Kenshîro avait craint qu'en le ramenant sur son lieu de naissance le Grotichon se soit senti mal à l'aise. Mais ce n'était visiblement pas le cas. Le cochon noir trottinait joyeusement sur les chemins inondés de la propriété, accueillant l'odeur familière de la ferme avec des petits grognements de contentement. Il s'arrêta à plusieurs reprises devant les enclos de Gruikui, tendant son groin pour toucher ceux des jeunes créatures curieuses qui s'approchaient alors de lui.

Le borgne avait pris soin de garder Côtelette loin de lui pour cette nouvelle visite de l'élevage. Il avait eu quelques heures avant son arrivée l'envie méchante et sournoise d'obliger le mastodonte à l'accompagner jusqu'ici pour lui faire revivre l'expérience qui l'avait à l'époque bouleversé, mais il s'était finalement retenu. La relation entre le Roitiflam et son dresseur s'était encore dégradée ces derniers temps, et Kenshîro avait de plus en plus peur que son combattant se retourne contre lui. Donner une leçon au Pokemon Feu en essayant de le blesser de la sorte lui avait vite paru une très mauvaise idée.

Ils suivirent ainsi le maître des lieux jusqu'à une cabane en bois, bien plus petite que l'immense hangar qu'ils avaient visité la dernière fois. Derrière la porte entrouverte était allongée une Caninos au poil ébouriffé dont la langue rappeuse allait et venait eu milieu d'un petit groupe de chiots turbulents.
Kenshîro grimaça un sourire en voyant les petites bêtes se mordre les oreilles et la queue, ainsi que tout ce qui passait à côté de leurs crocs. Il en avait soupé des bébés bruyants et agités, mais il espérait qu'avec un minimum de discipline, un Caninos ferait un compagnon loyal qui répondrait au doigt et à l’œil. Une fois encore, il s'agirait d'étaler devant son oncle un savoir-faire qu'il n'était pas certain de posséder. Mais il fallait tenter, mettre toutes les chances de son côté...

"Vous ai prévenu comme vous l'aviez d'mandé" grogna le propriétaire avant de s'avancer pour ramasser par la peau du cou un jeune chiot déjà aussi gros que Duncan.

L'animal avait le pelage presque aussi sombre que la peau d’Égide, ainsi que des rayures et une crinière aux reflets d'ivoire. Lorsque ses yeux bleus incrédules se posèrent sur le borgne et son Pikachu, le Caninos se mit à japper en remuant la queue. Le dresseur repensa à l'armée de Pichu qui l'attendait aux abords de la ferme, gardée par Mélusine et Gambit, et il espéra secrètement que le canidé agirait comme un catalyseur lorsqu'il serait bien dressé. Comme l'un de ses congénères gardant un troupeau de Wattouat, il parviendrait peut-être à freiner l'énergie qui paraissait pourtant inépuisable des filles de Duncan. Et peut-être alors le jeune homme serait-il à nouveau capable de passer une nuit convenable sans être réveillé toutes les demi-heures pour retrouver son matériel et ses vêtements rongés...

"Parfait, je vous le prends" affirma Kenshîro en tendant les bras pour recevoir la bête.

Le fermier le lui offrit sans rechigner avant de recompter l'argent qu'on lui tendait. Il hocha la tête et raccompagna le borgne et son groupe jusqu'à l'entrée, se gardant bien de faire la moindre remarque sur la naïveté du nobliaux qui semblait croire qu'il suffisait d'y mettre le prix pour lui permettre de bien s'entourer.

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Le terrain boueux s'étendait au-delà des barrières de la ferme, obligeant le borgne à emprunter le chemin de terre gorgée d'eau qui s'éloignait peu à peu du territoire des Mitch. Les nombreux passages journaliers avaient rendu le sol chaotique, formant des crevasses à la panse pleine qui, aussitôt le beau temps revenu, perdraient leurs reflets brillants pour se transformer en arrêtes solides et desséchées qui grifferaient les souliers avec l'avidité d'une bête affamée. À cette pensée, le clapotis d’Égide trottinant dans la boue parut moins désagréable aux oreilles de Kenshîro.
Supportant le poids du jeune chiot qui remuait dans ses bras pour observer et humer tout ce qui l'entourait, le dresseur repéra la pancarte qu'il avait croisé à l'aller. Gambit, Mélusine et ses Pichu n'étaient plus qu'à dix petites minutes de marche et il pourrait bientôt déposer son nouveau compagnon dans l'herbe fraîche, afin d'éviter que son magnifique pelage sombre soit souillé par la fange.

Alors qu'il réfléchissait au nom qu'il pourrait donner au gentil Caninos (qui s'était permis de lui lécher brièvement le visage, arrachant au borgne un mouvement de recul et une grimace dégoûtée), le jeune homme fut appelé à relevé son œil unique lorsque Duncan, toujours perché sur son épaule, le mit en garde d'un petit cri grésillant.
Égide venait de buter contre un homme d'âge moyen, se frottant le groin en observant l'inconnu d'un air un peu effrayé. Kenshîro fronça aussitôt les sourcils, jaugeant l'apparence du personnage bien habillé qui détonnait dans ce décor rural. Il ressemblait moins à un dresseur qu'à l'un de ces brigands de grand standing que l'on croisait dans les capitales au cours de riches banquets ou de réunions importantes. Ses lunettes sombres accentuait l'impression de malaise qui planait au-dessus de lui, exacerbant l'antipathie qui se dégageait déjà de son visage anguleux et inexpressif. Sans attendre, le Grotichon courut se cacher derrière les jambes de son maître, s'agrippant à sa veste pour jeter un coup d’œil timide à l'énergumène qui l'avait suivi du regard pour le poser cette fois sur le dresseur.
Le borgne lui rendit un air méfiant tout en posant une main sur la tête d’Égide, tenant de son autre bras le Caninos fermement serré contre lui. La requête directe et grave de l'homme ne le surprit même pas.

"Bonjour. Vous avez un bien beau pokémon, pourriez-vous me le céder ?"

Kenshîro le fixa d'un air dédaigneux, affichant son dégoût quant à la proposition de l'inconnu.

"Mes compagnons ne sont pas à vendre" affirma-t-il d'un ton sec et sans appel. "Si vous tenez à faire du commerce de chair animale, je vous serai gré de vous adresser ailleurs, ou je serai contraint de prévenir les rangers."

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Kenshîro avait pour habitude de toujours se fier à sa première impression. Et la première impression que lui avait donné l'étranger était celle d'un homme dont il fallait absolument se méfier. Égide avait peur de lui, et Duncan, légèrement hérissé sur l'épaule de son dresseur offrait la même expression que ce dernier, un regard de bête acculée et sur le qui-vive. Ils ne pouvaient décemment pas rebrousser chemin en tournant simplement le dos à cet énergumène. De plus, celui-ci n'avait pas encore esquissé le moindre geste menaçant à leur égard. Le borgne eut une vive pensée pour ses compagnons qui se trouvaient non loin de là. Il espérait qu'il ne leur était rien arrivé, mais ils n'étaient pas assez proche pour que sa voix porte jusqu'à eux. De toute façon, ce qui paraissait intéresser l'intrus, c'était sans aucun doute la couleur sombre d’Égide, ce que ses nouvelles paroles confirmèrent.

Des pokémons "particuliers" disait-il ? Qu'est-ce que ce mot aurait pu désigner si ce n'était le gène chromatique que possédaient le Grotichon et la boule de poils qui remuait la queue joyeusement entre ses bras ? Son goût pour la rareté de ce gène parut soudain à Kenshîro bien snob et ridicule. Mais aussi très dangereux...
En achetant ce Caninos, le jeune homme n'avait pensé qu'à l'effet que feraient deux créatures rares le servant loyalement lorsqu'il se présenterait face à son oncle. Une idée bien puérile qui le força à se souvenir qu'il ne vivait plus dans un monde de noblesse où chacun flottait sur son petit royaume nuageux au-dessus de la plèbe et de leurs problèmes terre-à-terre. Oui, posséder des "shiny" était évidemment une atteinte à l'humilité, un diamant bien brillant porté à la vue de tous et qui ne faisait qu'attirer la convoitise.
C'est ce que le borgne avait déduis en lisant le journal relatant le vol de différentes créatures de ce genre au court des derniers mois. Et c'est aussi pour cela qu'il s'était aussitôt méfié de cet homme lorsqu'il avait montré un intérêt clair et direct pour Égide.

"Je remarque cependant que vous avez un don pour dénicher des pokémons "particulier"" continua l'inconnu sans s'émouvoir des menaces du jeune homme. "Si cela vous intéresse, j'aurai un travail à vous offrir en rapport."

Kenshîro cligna de l’œil en essayant de comprendre ce que sous-entendait son interlocuteur. Au moins, ce dernier n'avait rien tenté contre lui, et ne semblait pas décidé à en venir aux mains. Le dresseur se força donc à prendre un air moins pincé, levant le menton pour observer l'autre de haut, de cet air suffisant qu'il arborait en général.

"C'est bien aimable à vous, mais je pense ma foi pouvoir gagner ma vie comme il me convient pour l'instant." Puis il ajouta pour ne pas paraître trop méprisant : "Je suis prêt à écouter votre proposition néanmoins, même si je pense que vous vous fourvoyez sur mon compte. L'acquisition de mes deux compagnon n'est pas du à un quelconque "don", mais plutôt à la chance et... aux moyens en ma possession."

Même si le borgne paraissait se détendre un peu, il ne fit pas mine de s'avancer pour autant, gardant une distance de sécurité.

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La stature de l'étranger avait quelque chose d'intimidant. Outre sa grande taille et sa musculature que l'on devinait aisément fort développée, le stoïcisme dont il faisait preuve en parlant ouvertement d'un groupuscule sans nul doute hors la loi laissait présager qu'aucune menace d'aucune sorte ne pourrait l'effrayer. L'évocation des rangers ne l'avait pas fait ciller, et les seuls mouvements imperceptibles qui avait une ou deux fois fait frémir les traits de son dur visage n'étaient dus qu'à l'attitude du borgne qui avait réagi avec un peu trop de véhémence dès le début de leur rencontre.
Mais Kenshîro n'y pouvait rien. Depuis qu'ils avaient croisé la route de la créature caparaçonnée, son équipe et lui avaient redoublés de vigilance. Ils se montraient méfiants envers tous les étrangers, évitaient les routes lorsqu'ils le pouvaient et se tenaient loin des dresseurs qu'ils croisaient parfois.

L'homme aux lunettes sombres reprit la parole après avoir croisé ses mains dans son dos. Il était parvenu à capter l'attention de son interlocuteur en ne comptait pas s'arrêter en si bon chemin.

"J’apprécie votre écoute. Nous sommes un groupe à la recherche d'un certain pouvoir. Nous cherchons donc des personnes de votre tempérament, Monsieur Kiriyama. Si vous travaillez pour nous, vous seriez grassement payé ; et nous pourrons également vous aider dans vos "objectifs"."

Le borgne ouvrit la bouche avec surprise, pour la refermer aussitôt. Demander à l'homme de quelle façon il avait obtenu son nom ne le mènerait à rien, et il était maintenant évident que cet impudent s'était renseigné sur lui avant de venir l'aborder. Le fait que l'inconnu évoque des "objectifs" qui lui tenaient à cœur l'inquiétait bien plus que la simple allusion à son nom et sa situation (après tout, ces derniers s'étaient retrouvés étalés sur les pages des journaux de toute la région deux ans plus tôt).
Kenshîro serra donc les dents en réfléchissant à la réplique qu'il devrait formuler. Et tout d'abord, il devait savoir de quels objectifs parlait l'étranger. Refaire la richesse de son blason ? Terminer la traque d'Ezechiel ? Reprendre son rang et accéder au statut qui lui revenait de maître sabreur de la région ?
Grognant légèrement tout en remontant le corps du chiot contre lui, ignorant les poils en pagaille qui restaient accrochés à sa veste, le dresseur décida d'entrer un peu plus dans le jeu de l'homme austère.

"J'ai l'impression que vous êtes bien informé sur mon compte. J'aimerais dire que je suis flatté d'avoir attiré votre convoitise, mais votre discours me laisse penser que seul mon nom vous intéresse. Or, vous n'êtes certainement pas sans savoir que les Kiriyama sont dans une bien sombre situation en ce moment. C'est cela que vous me proposez ? M'aider à renflouer les caisses de mon domaine ? Et qu'attendriez-vous de moi si j'acceptais de me plier à votre demande ?"

Plissant son œil unique, le borgne détailla une nouvelle fois l'inconnu de la tête aux pieds afin d'essayer de détecter sur sa personne la moindre marque qui pourrait lui indiquer l'organisation à laquelle il appartenait.

"Mais avant d'aller plus loin dans cette conversation" reprit-il vivement, "j'aimerais savoir à qui je m'adresse. Pouvez-vous m'assurer que vous n'avez aucun lien avec cette bande de tordus qui vénèrent Giratina ?"

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Kenshîro avait de plus en plus de mal à cerner l'étranger. Des compétences "hors du commun" ? Est-ce qu'il se moquait de lui ? Une chose était sûre, l'homme n'était pas ici pour le féliciter sur ses talents de sabreur, seule chose pour laquelle le borgne n'hésiterait pas à accepter les louanges.
À moins... que ce personnage inquiétant ait eu connaissance de la dernière confrontation entre Ezechiel et lui ? Est-ce que par hasard l'organisation qu'il représentait attendait de lui qu'il assassine quelqu'un ?!
Cette pensée aussi soudaine qu’inattendue effraya le dresseur, même s'il avait peine à croire qu'on se soit déplacé jusqu'à lui pour cela. Il n'était pas un tueur, absolument pas ! Et si quelqu'un apprenait de quelle façon il avait blessé son ancien ami et serviteur, ce quelqu'un saurait aussi qu'il avait été incapable de terminer le travail, et que la peur avait guidé son geste bien plus que la détermination dont il se croyait autrefois empli.

"Qu'est-ce que vous attendez de moi précisément, monsieur Verbovsh ?" demanda le borgne en montrant les dents.

Il en avait assez de tergiverser.

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Kenshîro fit tourner les paroles de Verbovsh dans son crâne, encore et encore. L'homme gardait son allure stoïque, le fixant très certainement avec intérêt derrière le verre fumé de ses lunettes. Ces façades sombres avaient beau dissimuler ses yeux, le borgne n'en sentait pas moins le regard inquisiteur, perçant et dangereux de son interlocuteur. Il avait l'impression que l'homme pouvait voir à travers lui, une sensation fort désagréable qui fit naître un frisson glacé dans son dos.
Il tâcha de ne pas montrer son appréhension, et s'efforça de fixer Verbovsh avec toujours plus d'arrogance. Si ce type le pensais sûr de lui, peut-être hésiterait-il à se montrer vindicatif ?
Quoiqu'il en soit, Kenshîro n'avait à présent plus aucun doute sur la menace que représentait cet étranger. Son organisation et lui en avaient après les créatures chromatiques. Et le borgne en possédait deux. Le brigand l'aurait très certainement attaqué s'il n'avait pas, à ses dires, éprouvé l'intérêt de lui demander de les rejoindre.
Cette possibilité faisait toutefois hésiter le dresseur. Après tout, si le seul intérêt qu'on lui trouvait était de pouvoir mettre la main sur des Pokémon aux couleurs étranges, ce n'était pas un mal. Kenshîro ne s'abaisserait jamais à voler ou à agresser qui que ce soit dans un tel but, mais s'il parvenait à capturer ou acheter ce genre de bestioles en échange d'un salaire important, cela pourrait être fort intéressant. Et les forces de l'ordre ne pourraient... rien lui reprocher ?

Le borgne afficha finalement une moue dubitative, caressant à nouveau mécaniquement la tête d’Égide qui était resté à ses côtés, les yeux rivés sur lui en attendant un ordre. Duncan, presque collé à la joue de son dresseur, semblait avoir compris ce qui se déroulait dans le crâne de ce dernier. Il se tenait prêt, sagement perché sur son épaule, partageant le calme de Kenshîro, mais ses muscles étaient déjà chargés d'électricité. Si Verbovsh attaquait, le Pikachu réagirait aussitôt.

"Votre proposition est... intéressante ?"

Kenshîro soupira en plissant son œil unique, perdant un instant son regard de rapace qui plongea dans le vide alors qu'il réfléchissait encore. Il devait jouer finement, avec la plus grande prudence.

"Admettons que je sois effectivement intéressé par l'emploi que vous me faites miroiter. Je serais donc simplement payé pour vous rapporter le genre de créatures que vous recherchez ? Je pourrais agir à ma manière sans que vous n'ayez rien à redire à mes méthodes ?"

Serrant le Caninos contre lui d'un bras qui l'entourait, le borgne se gratta le menton.

"Seriez-vous disposé à me laisser... une carte, un numéro ? Ou même un endroit où je pourrais vous contacter ? Je dois vous avouer que vous avez taper dans mon point faible. Vous savez parfaitement que j'ai besoin de cet argent. Mais..." il inspira profondément, tâchant de garder son calme. "J'ai encore quelques petites choses à régler qui demandent toute mon attention. Je ne peux décemment pas accepter votre proposition dès maintenant. Si vous êtes prêt à me laisser un petit temps de réflexion, je vous préviendrai rapidement de ma réponse. Il est bien sûr évident que je ne vous vendrai pas aux rangers ou à la police. Si vous en savez tant sur moi, je devine que vous n'auriez aucun mal à me retrouver et à me le faire payer. Qu'en dites-vous ?"

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Lorsque Verbovsh lui tendit le papier en lui annonçant la date fatidique de sa voix grave et posée, Kenshîro frémit. N'osant pas croiser le regard de l'homme qui s'était lentement rapproché, le borgne attrapa vivement la note tout en fixant le sol. Le bandit l’impressionnait déjà à distance, mais cette proximité nouvelle l'avait figé sur place. L'aura du gaillard était écrasante, telle que le dresseur en avait rarement croisé, même dans la haute société. À dire vrai, il n'avait jamais ressenti quoique ce soit de semblable avant ce jour, mélange de peur profonde et d'autre chose qu'il ne parvenait pas bien à définir. Peut-être un respect déplacé du au charisme qui émanait de cet homme ?

"Ce fut un plaisir de discuter avec vous, monsieur Kiriyama. À dans dix jours."

Les dernières paroles de Verbovsh le ramenèrent à la réalité. Il lui fallut plusieurs minutes pour réaliser dans quel guêpier il s'était fourré. Lorsqu'il osa enfin relever la tête, le bandit avait disparu.
Le borgne souffla bruyamment, relâchant la tension qui l'avait assailli. Son cœur battait la chamade et, à présent qu'il y prêtait attention, il remarqua la chaleur désagréable qui noyait ses joues jusqu'aux oreilles.

Duncan se frotta contre lui, chassant le coup de chaud et électrisant légèrement l'épiderme de son dresseur pour lui redonner un coup de fouet. À ses pieds, Egide fixait son maître avec une grand inquiétude, une patte accrochée à sa veste dans l'attente qu'on le rassure. Ce que fit le borgne en lui tapotant la tête, avant de la caresser gentiment.

"Tout va bien..." marmonna-t-il en profitant du regain de courage que lui offraient ses Pokémon - même Calvin qui lui léchait le menton en remuant la queue. "Nous avons dix jours. Je... Je vais devoir réfléchir."

En croisant le regard de son Pikachu, Kenshîro n'eut aucun mal à deviner ce qu'il pensait de tout cela. Le rongeur n'accepterait jamais de voir son dresseur plonger dans de telles magouilles.