des bases plus saines. - Loima (route 1)

Le soleil du petit matin baignait la pièce d'une douce chaleur. Le parquet brillant avait pris une température agréable sous les rayons dorés, et de fines particules de poussière dansaient dans les raies de lumière. Le plafond mansardé donnait à la chambre un certain cachet. Le bois côtoyait les murs blancs dans un charme rustique mais élaboré. Il faisait bon, et l'odeur des poutres saillantes avait quelque chose de chaleureux et rassurant.
En fermant les derniers boutons de sa chemise, Kenshîro revint de la salle de bain pour détailler ses compagnons. Duncan alla ouvrir la fenêtre pour laisser entrer un peu d'air frais et les faire profiter du chant des oiseaux. Côtelette se tenait à quelques pas de lui, bras croisés. Le porcidé s'habituait doucement à sa nouvelle apparence. Il semblait profiter de chaque instant pour redécouvrir ses nouveaux muscles et la vue que lui offrait une hauteur bien supérieure à celle à laquelle il avait été habitué, du fait de son ancien statut de quadrupède. Comme pour approuver cette constatation, le Grotichon s'étira lentement, faisant craquer ses doigts courts et griffus au-dessus de sa tête.
Mélusine était restée postée sur le dossier du fauteuil, mais le léger mouvement de balancier qu'exprimait son petit corps rond dévoilait le désir qu'elle avait de remuer un peu. Elle tourna la tête vers le dresseur avec un sourire malicieux, attendant les ordres avec un gloussement feutré.
Assis juste sous la Pitrouille, sur le coussin moelleux du siège, Égide semblait prêt à s'endormir sur place, les yeux mi-clos surmontant son petit groin rosé qui remuait faiblement.

"Belle journée" commenta le borgne en finissant d'enfiler un pull léger. "Nous allons retourner au parc d'entraînement une dernière fois. Vous êtes prêts ?"

Les dresseurs n'étaient pas très nombreux à Loima, ces temps-ci. Cela s'expliquait facilement du fait des premières chaleurs qui s'abattaient sur la région. Rien de très gênant si tôt dans l'année, mais la ville située au milieu des marais de Sangwa se voyait très vite envahie d'une température haute et humide. Très différente de celle qui habitait Naira. Et beaucoup moins agréable.
Le seul réel avantage se présentait sous la forme de ces parcs désertés. Kenshîro détestait diriger ses entraînements à la vue de tous, mais pouvoir rester ainsi à proximité de l'hôtel et du centre pokémon était un vrai avantage.

Le jeune homme attrapa son sac à dos qu'il lança nonchalamment sur son épaule. Ses partenaires s'étaient déjà mis en mouvement pour se diriger vers la porte. Le regard du jeune homme croisa celui de son Grotichon. Il n'y lisait plus si souvent l'animosité dont Côtelette avait fait preuve pendant des mois, mais il valait mieux rester tout de même sur ses gardes à présent qu'il avait gagné en force.
Le cochon semblait attendre quelque chose de lui, planté à ses côtés, à le fixer avec une certaine curiosité. Le dresseur plissa un peu son œil unique en fronçant les sourcils.

"Pas tout de suite" annonça-t-il sans agressivité aucune, mais d'un ton qui ne laissait la part à aucune discussion.

Le porcidé voulait savoir si le jeune homme comptait inviter son nouveau compagnon à leur petite sortie. Mais à dire vrai, après les événements survenus suite à la fugue du cochon, Kenshîro ne se sentait pas à l'aise à l'idée de devoir surveiller plus de pokémon à la fois.
Côtelette fronça un peu le museau, l'air déçu, mais il n'insista pas et rejoignit les autres près de la porte. Le borgne vérifia que son sabre était bien accroché à son sac, dissimulé dans son dos, puis il s'avança pour ouvrir le chemin.


"Pas comme ça, remonte ta garde !"

Duncan en laissa tomber la baie qu'il s’apprêtait à grignoter, ses oreilles vibrant discrètement en se tournant vers son dresseur. Le jeune homme venait de se détourner d’Égide pour observer Côtelette. Le Grotichon, planté près de la fontaine, hésitait encore quant à sa position de combat quand il sembla quelque peu déstabilisé, ne sachant pas si les paroles de Kenshîro s'adressaient à lui.
Avec un soupir, le borgne abandonna son bébé Gruikui en le fourrant dans les bras du rongeur. Le Pikachu n'en croyait pas ses yeux. Tenant la petite boule de suie un peu agitée contre lui, il observa, éberlué, le dresseur qui se levait de son coin d'herbe pour aller donner ses tout premiers conseils à Côtelette. Jamais l'aristocrate n'avait fait mine de s'intéresser un tant soit peu à ce que faisait la créature porcine pendant les entraînements. Le cochon travaillait toujours seul dans son coin, en silence. L'évolution de ce dernier avait-elle fait tant d'effet au jeune homme ?
À moins que sa fugue ne soit la véritable cause du revirement de Kenshîro...

Arrivé à hauteur du Grotichon, le dresseur attrapa les deux poings serrés du pokémon Feu pour le forcer à les redresser devant son museau. Son œil de rapace se plongea dans ceux, méfiants, du cochon.

"Ce qui importe, c'est de pouvoir frapper au bon endroit, au bon moment. Tu n'es pas suffisamment rapide pour l'instant, alors tu ne dois laisser passer aucun coup. Une bonne défense te laissera le temps d'analyser quel est l'instant propice."

Trop abasourdi, Duncan en oublia un instant le petit être que son dresseur lui avait confié. Égide se trémoussa pour échapper finalement aux bras du rongeur, secouant la tête après avoir roulé dans l'herbe. Ses grands yeux sombres cherchèrent la silhouette du borgne. Dès qu'il l'aperçut, le Gruikui se remit sur ses pattes et se précipita dans sa direction.
Le petit cri d'alarme de Mélusine, qui flottait non loin de là, rappela l'attention du Pikachu qui se hérissa en voyant qu'il ne tenait plus le bébé. Il le repéra trop tard et s'élança aussitôt à sa poursuite. Peine perdue.

Kenshîro tenait ses paumes ouvertes devant lui, ordonnant à Côtelette d'y donner quelques coups maîtrisés en l'abreuvant de différentes instructions. Le Grotichon obéissait comme il pouvait, grognant sur la manière dont le dresseur le rabrouait dès qu'il ne parvenait pas à suivre le rythme. Du coin de l’œil, le porcidé aperçut la boule de suie qui fonçait tête baissée dans leur direction. Un sourire narquois étira son museau.
Dès que le bébé Gruikui ne fut plus qu'à quelques bonds des jambes du dresseur, Côtelette asséna un coup un peu plus fort que les précédents dans les paumes du jeune homme. S'en suivit exactement ce que le Grotichon avait espéré. Déséquilibré, le borgne trébucha sur Égide qui s'était précipité dans ses pattes en couinant. Il chuta en arrière, directement dans la fontaine, éclaboussant les deux cochons dans un plouf magistral.

Duncan freina à deux mètres du point d'eau duquel jaillissait un torrent d'injures, et se frappa le front en se réprimandant sur sa bêtise. Heureusement, Égide n'avait rien et se contentait de fixer sans comprendre le garçon qui se hissait difficilement sur le rebord de la fontaine. Côtelette se garda bien de rire, sans pour autant cacher sa satisfaction. Ignorant le regard assassin de son dresseur, il se contenta de reprendre son entraînement en suivant les conseils de Kenshîro.

des bases plus saines. - Loima (route 1)

Duncan s'empressa d'attraper Égide, serrant le petit cochon contre lui pour l'empêcher de faire une autre bêtise. Il lança un regard coupable au borgne qui s'était à demi redressé dans la fontaine. Accroché sur la bordure de pierre, Kenshîro semblait sur le point d'exploser, haletant de colère, tout en fusillant Côtelette de son œil vert ambré. Mais le Grotichon quant à lui peu impressionné continua sagement à réviser ses coups de poings comme si rien ne s'était passé.

"Besoin d'aide ?"

Le regard de Flambusard du borgne se tourna aussitôt vers l'origine de cette voix, tandis que son cœur faisait un bond dans sa poitrine et qu'une expression d'effarement se peignait sur son visage. Non... il ne s'était tout de même pas ainsi vu ridiculisé devant quelqu'un, n'est-ce pas ?
Mais alors que cette pensée fugitive éclatait dans son esprit, il ne put que constater avec horreur le jeune homme blond qui lui souriait, à quelques pas à peine.

"Vous avez fait une sacrée chute, j'espère que vous n’êtes en rien blessé." ajouta poliment l'inconnu en lui tendant une main secourable.

"Je vais très bien, merci !" aboya aussitôt Kenshîro en s'extirpant par lui-même du bassin, un sentiment de honte et une colère plus forte que jamais enserrant sa poitrine.

Posant le pied au sol, le dresseur n'attendit pas une seconde pour ôter son pull et sa chemise, évitant royalement de croiser le regard de l'inconnu pour tenter de museler son embarras. Il jeta les vêtements mouillés sur le bord de la fontaine et attrapa furieusement son sac, que Mélusine venait de déposer près de lui avec un air inquiet et consterné. Par tous les dieux, ce maudit goret allait lui payer son humiliation !

Il n'avait pas desserré les dents tandis qu'il s'échinait à attraper un vêtement de rechange dans son bagage. Il n'y trouva qu'un sous-pull noir au col en v qu'il enfila à la hâte tout en se maudissant de n'avoir pas prévu mieux. Son pantalon et ses chaussures étaient encore détrempés, mais il ne comptait pas s'exhiber publiquement outre mesure.
Prenant une profonde inspiration, Kenshîro se sentit enfin la force de tourner la tête vers le jeune homme qui lui avait proposé son aide. Son regard courroucé était chargé de reproches, comme si l'inconnu avait été à l'origine de son malheur. Il passa une main sur son bandage humide, songeant qu'il lui faudrait aussi le changer, et observa pour la première fois le garçon des pieds à la tête.

Il était un peu plus jeune que lui, les cheveux mi-longs d'un blond doré. Ses yeux rouges avaient quelque chose d'atypique, et les courbes de son visage faisaient penser au faciès espiègle et insolent d'un Miaouss. Il avait le teinte pâle, qui faisait ressortir ses nombreux piercing et son accoutrement sombre.
Ce furent particulièrement ces habits, associés à la colère aveuglante du borgne qui l’empêchèrent tout d'abord de se souvenir où il avait bien pu déjà apercevoir ce garçon. Car à n'en pas douter ce visage lui était clairement familier. Sans doute l'avait-il déjà croisé dans les rues de Loima, au milieu de toute cette racaille de jeunes représentants d'une populace de basse extraction ? Ou peut-être au centre pokémon, parmi les quelques dresseurs qu'il y avait aperçu ? Pourtant, son parler avait quelque chose de déroutant, lui rappelant trop fortement le langage de Domuraille et des classes aisées.

"Et bien ! Vous attendez peut-être que je vous fasse une autre démonstration de mon fabuleux plongeon ?" grogna-t-il finalement, voyant que le jeune homme ne semblait pas vouloir s'en aller.

De son côté, Duncan avait reculé de quelques pas, préférant ne pas interférer dans cet échange. Mieux encore, si son dresseur passait ses nerfs sur ce pauvre garçon, il y avait quelques chances pour que la sentence soit moins rude pour lui.
Portant toujours sur son épaule le petit Égide qui semblait s'être calmé, et qui ne quittait pas des yeux le borgne comme s'il s'était agit de son idole le plus cher, le Pikachu s'aperçut de la présence du Zorua qui s'était avancé à la suite du blond. En le voyant, Mélusine souffla et se hérissa comme un gros chat en colère, avant de venir se cacher derrière le rongeur. Elle avait une sainte horreur des pokémon Ténèbres, Duncan pouvait le comprendre. Mais le renardeau ne semblait pas agressif pour un sous. Aussi, ignorant le ton désagréable de son maître, le Pikachu salua la créature grise d'un sourire amical tout en berçant doucement le bébé cochon qui s'était mis à remuer de nouveau.
De son côté, Côtelette avait arrêté ses mouvements dès que l'inconnu avait pris la parole. Il observait depuis ses quelques mètres de distance la scène qui se déroulait, l'air peu amen. Si les étrangers avaient quelque chose contre eux, le Grotichon se tenait prêt à en découdre.

des bases plus saines. - Loima (route 1)

Mais c'est qu'il ne comptait pas partir, ce sale petit fouineur ! fulmina Kenshîro. Son sourire satisfait n'avait pas quitté les lèvres de l'inconnu qui le fixait avec la suffisance d'un Persian. Visiblement, le jeune homme blond n'était nullement impressionné par les paroles agressives du borgne, pourtant clairement destinées à le chasser. Au lieu de prendre ombrage face à cet accueil, le garçon continua de le traiter avec une politesse nonchalante. Jusqu'à ce que le couperet tombe.

"Navré, je ne devrais pas rire de ce qu'il vient de vous arriver. Je me nomme Kawada Kazuo, que puis-je faire pour me faire pardonner de mon manque de politesse ?"

L'orgueil naturel du borgne failli lui faire cracher une réponse peu reluisante, mais une alarme tonitruante résonna dans son crâne, muselant sa langue acerbe juste à temps. Il balbutia. Son oeil unique perdit de son animosité pour se charger d'incertitude.
Est-ce qu'il avait bien entendu ? LE Kawada Kazuo ? Héritier de la famille fondatrice ? S'agissait-il d'une farce ? Maintenant que ce nom avait été lâché, il ne pouvait plus se mentir : son interlocuteur ressemblait effectivement à s'y méprendre aux portraits qu'il avait pu voir lors de cérémonies, dans des bâtiments importants, ou même dans des magazines. La blague - si c'en était une - était trop bien menée...
Tandis qu'il cherchait ses mots, Kenshîro se mordit la lèvre inférieure en réalisant qu'il venait de se donner en spectacle devant l'une des personnes les plus importantes de la région. Une personne qui avait tout pouvoir sur des gens comme lui, capable de modeler la noblesse comme elle l'entendait. Oui, les Kawada avaient les moyens de radier les noms de l'aristocratie, de faire tomber de grandes fortunes... mais aussi d'octroyer égards et richesses à ceux qui entraient dans leurs bonnes grâces.

Le borgne se gifla mentalement. Il n'allait jouer les frotte-manche et se traîner devant un garçon plus jeune que lui ! Qu'importe qu'il s'agisse de l'héritier Kawada après tout, si le gosse s'attendait à ce qu'il le noie d'hypocrisie, il pouvait toujours aller voir ailleurs !

"... Mes excuses, m. Kawada, je ne vous avais pas reconnu." répondit-il finalement sans chaleur, mais avec plus de retenue, son œil de rapace lançant encore néanmoins quelques éclairs. "Vous n'avez pas à vous faire pardonner. J'ai été négligeant, et je l'ai bien payé."

Ce disant, le dresseur lança un nouveau regard noir à son Grotichon. Ce dernier, voyant que l'étranger ne semblait pas dangereux, haussa les épaules et reprit son entraînement. Kenshîro souffla de dépit et revint au jeune homme blond. Il aurait voulu le défier du regard, mais les yeux rubis de l'héritier lui semblèrent soudain beaucoup trop difficile à supporter. Était-il en train de le juger ? Attendait-il de connaître son nom pour pouvoir le traîner dans la boue ?
Baissant son œil unique, le borgne fit mine de chercher rapidement Égide du regard. Il constata que le Gruikui était affalé dans les bras de Duncan, et le fixait affectueusement. Il attrapa le bébé pokémon, infligeant un coup d’œil sentencieux à son starter qui se tassa un peu sur lui-même en préférant reporter son attention sur le Zorua qui s'était rapproché.
Tenant le corps chaud du porcelet contre lui, le jeune homme se sentit reprendre un peu courage, et darda enfin son regard sur le dénommé Kazuo.

"Je suis Kenshîro Kiriyama. À Loima pour entraîner mon équipe. Jamais je n'aurais cru pouvoir croiser un membre des familles fondatrices dans ce marécage immonde."

Duncan se détendit en voyant que son dresseur semblait accaparé ailleurs. Débarrassé de ce poids, il put reprendre ses présentations avec le renardeau. Le Pikachu se laissa tomber à quatre pattes, tout sourire, pour se mettre au niveau du Zorua. Il trottina sur les quelques pas qui les séparaient et approcha son museau pour renifler le parfum de la petite créature grise. Mélusine, restée en retrait, observa cet échange avec un dégoût profond.

des bases plus saines. - Loima (route 1)

Kenshîro tiqua légèrement en entendant les nouvelles paroles du jeune homme. Le fils Kawada semblait avoir remballé son ton sirupeux et le vocabulaire soutenu qui l'accompagnait pour laisser cours au naturel. Ainsi la première impression du borgne ne s'éloignait peut-être pas autant de la réalité qu'il l'avait cru par la suite. L'attitude du garçon aux cheveux blonds s'accordait peu à peu à son look de banlieue citadine. Le dresseur fronça les sourcils.

"Vous avez l'air d'avoir une sacrée équipe, ça change de mes deux pauvres Pokemon ! Ah ah !"

Est-ce que Kazuo Kawada tentait de le flatter ? Kenshîro jeta un coup d’œil à l'étrange petit renard qui s'amusait à présent avec Duncan. Égide suivit son regard, imitant son maître comme s'il avait été une extension vivante du jeune homme. Les Zorua, ou plutôt leur évolution, étaient le symbole de la famille Kawada. Une preuve de plus à l'égard de l'identité du blondinet, car ces espèces ne couraient pas les rues.

"Je ne suis pas dresseur depuis très longtemps..." remarqua le borgne en reportant son attention sur Kazuo. "Mais je pense pouvoir me vanter d'avoir récupéré quelques bons combattants, en effet."

Sans être pompeux, son ton dénotait d'une certaine satisfaction. Qu'un membre des familles fondatrices ait remarqué le potentiel de son équipe avait quelque chose de profondément jouissif. L'hypocrisie pouvait faire partie de la manœuvre, mais Kenshîro n'en avait que faire. Cela faisait trop longtemps qu'il vivait loin du beau monde, et rechignait à discuter avec les dresseurs pouilleux qu'il croisait sur les routes ou dans les Centres. Une remarque obligeante venant d'un être cultivé avait sur lui le même effet que la douce nicotine qui se permettait parfois d'envahir ses poumons.
Le borgne s'était un peu détendu lorsque le garçon blond lui demanda s'il pouvait rester assister à sa séance d'entraînement. Et aussitôt, une certaine gêne envahit le dresseur.

Si Kazuo Kawada lui avait demandé de l'observer pendant qu'il s'adonnait aux arts du sabre, Kenshîro aurait été honoré et ravi de présenter un spectacle de qualité. Mais il se savait novice en matière de dressage. Et pire encore ! Il avait conscience que le niveau de son équipe découlait plus certainement de sa chance et des moyens financiers qu'il avait dépensés plutôt que d'aucune connaissance en matière de combats. Mais que pouvait-il donc répondre à cette demande sans se ridiculiser ?
... Oh... Après tout... Ne venait-il pas de plonger tête la première dans une fontaine sous les yeux du blondinet ?

"Je... suis très honoré de l'attention que vous portez à mes pokémons" hésita le borgne. "Mais j'ai bien peur de ne pas pouvoir vous offrir un divertissement de qualité. Comme je vous le disais, je suis encore novice. Mais... si peux vous aider en quoique ce soit qui soit dans mes cordes..."

Le regard de Kenshîro était moins austère, plus détendu, mais toujours perçant. Il observait avec intensité les réactions du fils Kawada, soucieux de pouvoir lire dans l'attitude du jeune homme ce qu'il lui voulait réellement. Car le borgne en était certain, si un personnage de cette qualité s’intéressait à lui, nobliaux ruiné, c'est qu'il avait quelque chose derrière la tête...

des bases plus saines. - Loima (route 1)

Kazuo lui expliqua rapidement l'état d'esprit de ses pokémons, et particulièrement de son Furaiglon qui préférait n'en faire qu'à sa tête lors des combats. Kenshîro dut se retenir d'ouvrir son pokédex pour étudier d'un coup d’œil les caractéristiques du rapace dont le noble lui parlait. Il voyait à peu près à quoi ressemblait ce genre d'oiseau, mais ses connaissances en la matière s'arrêtaient là. Mais il ne voulait pas s'abaisser à avouer ce manque de savoir face au jeune homme qui attendait visiblement quelque chose de lui.

"Je... Je n'ai pas de pokémon oiseau" avoua le borgne. "Cependant, je pense savoir ce que signifie une confrontation à un esprit revêche. Mon Grotichon que vous voyez là..." il désigna Côtelette, "... est un parfait exemple de ce que je qualifierais de tête de mule."

Le cochon répondit au regard hautain que lui portait son maître par un haussement d'épaules indifférent, avant de reprendre son entraînement solitaire. Kenshîro serra les dents mais se calma rapidement en caressant la petite boule de suie qui s'était lovée au creux de ses bras. Il reporta son attention sur le fils Kawada pour lui proposer enfin :

"Si vous le souhaitez, nous pouvons faire quelques petits exercices ensemble."

Il invita alors Duncan à s'associer au jeune Zorua pour une séance d'entraînement moins intense qu'à l'accoutumé. De cette façon, se disait le borgne, Kazuo ne se rendrait peut-être pas compte de ses faibles compétences puisque son Pikachu, lui au moins, savait ce qu'il faisait.
Au soulagement du dresseur, le rongeur comprit ce que son maître attendait de lui et fit signe au renardeau de le suivre. Kenshîro s'installa non loin du noble pour assister à la série de courses et de mouvements d'attaques que les deux pokémon s'échangèrent alors, lançant parfois un conseil ou une remontrance lorsque son compagnon faisait une erreur qu'il était capable de remarquer.
Il était toujours intimidé par la présence du fils de bonne famille, aussi le borgne n'osait-il lui faire la conversation. Tout au plus lui lançait-il parfois un coup d’œil curieux, mais bref. Décidément, il s'était peut-être éloigné du beau monde depuis trop longtemps pour en venir à régir ainsi... Il ne se reconnaissait pas et cela ne lui plaisait pas vraiment. Serait-il encore capable de se mouvoir et de converser au sein de la haute société lorsqu'il en aurait fini avec ses dérivées ?