Avez-vous déjà connue cette noirceur, calme et paisible qui vous rend serein ? Sans un bruit, sans une pensée, comme s'il n'y avait simplement rien ? Juste vous et le vide.
Ma mère est tombée enceinte en Janvier 2000, juste après son mariage avec mon père à ses 26 ans et après 4 ans de vie commune. Nous étions fortement attendus, puisque nous étions les seuls héritiers de la famille Watanabe. Pourquoi nous ? Car nous étions deux. Je partageais le ventre de ma mère avec un autre être, mais ça, nous ne le savions pas encore et nos parents non plus. Finalement, nous avons vus le jour en septembre, lors d'un été indien particulièrement long et chaud à Johto. Ma mère me répète souvent que c'est parce que nous sommes le soleil de sa vie, l'éclat même de son existence et que c'est pour ça que l'été et sa chaleur a duré si longtemps. Nous avons reçu le nom de Klad et Kato et bien que nos gênes soient sensiblement les mêmes, que nos traits soient identiques notre physique différaient entre moi et mon frère. Il reçu la blondeur et la pâleur de mon père, tandis que j'héritais des cheveux et yeux violets de ma mère, ainsi que son teint peu bronzé.
Je ne me souviens pas de mes premières années, ni de notre déménagement à Alcea. Je sais juste que nous avons dû y déménager pour le travail de mon père et c'est ainsi que nous avons finis dans les hautes sociétés de Domuraille. Nous étions vus comme une famille richissime, ce que nous sommes toujours. Nous avons grandis dans les hautes sphères, chouchoutés, adulés, adorés et servis comme des princes. Rien n'était trop beau ou trop cher pour nous, ne cessait de répéter ma mère, au grand désespoir de mon paternel. Klad et moi étions dans notre bulle, un monde à nous où rien d'autre ne comptait. Nous ne parlions qu'entre nous, le monde extérieur ne nous intéressait guère et nous étions inséparables. Malgré cela, nos caractères à l'instar de notre physique étaient déjà bien marqués et différents. J'étais le petit turbulent et une pile électrique, alors que Klad était plus en retrait, plus sage et plus calme. A trois ans, comme le veux la tradition Watanabe, nous avons reçus un évoli chacun, emblème phare de notre famille depuis nos plus lointain ancêtre et nos pokémons héritèrent de nos caractères respectifs.
Nous avons grandis, continuant de vivre dans notre bulle sans prendre en compte le monde qui nous entourait Klad et moi, l'école primaire n'y changea rien. Ma mère commençait à se poser des questions, mon père lui désespérait de cette asociabilité. Je me souviens d'un jeune homme aux cheveux rouges, qui avait tenté plusieurs fois de nous parler et de devenir notre ami à mon frère et moi. Pendant les vacances d'étés, nous retournions à nos origines, à Johto. Nous étions d'autant plus pourris gâtés à ces moments-là par nos grands-parents. C'est durant l'été entre la primaire et la collège que j'ai pu attraper mon premier Pokemon, Guren une petite goupix à l'aide de Reijin, mon évoli là-bas à Johto.
L'entrée au collège changea du tout au tout pour moi, je lâchais un peu la main de mon frère et m'ouvrit au monde et pour cause ; pour la première fois de notre vie nous n'étions pas classés ensemble dans l'établissement. Si la primaire l'avait si bien accepté, le collège privé où nous avions fait notre entrée eux, ne tolérait point cela malgré l'insistance de ma mère de nous laisser ensemble. Ce moment m'a totalement révélé à contrario de Klad qui lui resta et demeura seul. J'ai appris à connaître ce garçon aux cheveux rouges qui partageait à nouveau ma classe, il s'appelait Daisuke et venait aussi d'une famille aisée. Petit à petit nous montions notre petite bande et malgré plusieurs tentatives Klad n'a jamais adhéré, refusant de me partager. Petit à petit, nous nous sommes éloignés. Je ne comprends toujours pas pourquoi, mais il demeure en moins cette sensation d'être incomplet depuis.
J'avais 15ans lorsque j'ai fumé ma première cigarette, 16 ans pour mon premier joint et mes premières « vraies » sorties ; en boîte, fête sauvage etc... La jeunesse de Domuraille savait s'amuser, du moins ceux de la bande. Je suis plusieurs fois rentré totalement renversé, la tête dans les nuages ou rampant au sol à cause de l'alcool. Combien de fois ai-je pu entendre la phrase « Pourquoi n'es-tu pas comme ton frère ? Il est si calme et poli. » et je me suis mis à haïr cet être qui aurait pu être moi, mais que je ne voulais pas devenir. Être de bonne famille veut dire appliquer de bonnes manières en permanence, faire bonne figure, avoir de bon résultat, avoir une bonne image dans la société, s'habiller correctement... La seule chose dont mes parents ne pouvaient pas rougir était mes études, sur lesquels j'étais irréprochable tant par les notes que par mon attitude en classe. Mais une fois l'école quittée, j'étais moi. Mon style particulier et sombre ne plaisait absolument pas à mes parents, ce qui m'affirma encore plus que c'était le bon choix. Tout était bon pour leur faire péter les plombs et les détourner un peu de ce petite ange si parfait qu'était Klad. Moi je n'étais jamais assez bien, assez poli, assez satisfaisant. J'étais le côté sombre et sale de cette fraternité.
J’enchaînais les coups d'un soir, filles comme garçons, tout était bon pour ne pas me sentir seul et abandonné. Je commençais les drogues durs, cocaïne, ecstasy, MDMA, peu importe tant que je pouvais oublier quelques heures et arrêter de penser. Je maigrissais à vu d'oeil. Je me battais, je prenais et envoyais des coups sans raisons mais j'adorais cette adrénaline cumulée à l'illicite. J'ai finis plusieurs fois au poste, j'y ai souvent passé mes nuits aussi. Mon nom attirait beaucoup, mais faisait parler beaucoup aussi, trop au goût de mon père. Celui-ci refusant que son fils puisse être un drogué sodomite à temps partiel. Je fûs plus d'une fois le sujet de dispute entre mes deux chers parents, jusqu'au jours où j'ai fini à l'hôpital à moitié mort. Le mélange de drogue et alcool, sans compter sur le fait que je ne me nourrissais que ont presque eu raisons de moi. Parfois encore je me dis qu'il aurait peut-être mieux fallu que je passe de l'autre côté, pour ma tranquillité et celle de mes parents. Je suis resté inconscient plusieurs jours, le réveil m'arracha le coeur. Je quittais cet état de plénitude, de calme et bien-être pour la douleur, les pleurs de ma mère et les hurlements mélangés à la honte de mon père. J'avais dépassé les bornes selon lui. Quelques jours avant mes 18ans, je fus envoyé chez ma grand-mère maternelle ayant déménagé depuis peu aux plaines d'Hehta. Je quittais, le coeur fendu, mon meilleur ami Daisuke et ma bande. J'haïssais de plus en plus ma famille et en particulier mon frère, mon sang, ma chair, mon double. A mes yeux, tout était de sa faute. Si seulement il avait pu être un peu moins angélique et un peu plus comme moi, peut-être que mes parents m'auraient mieux acceptés.
Je souffrirais de la solitude, je souffrais de manque. Je me réveillais la nuit avec des bouffées de chaleurs, puis des sueurs froides, je vomissais. Les substances illicites manquaient à mon organisme. Je suis resté dans ma chambre presque deux mois sans sortir, sans parler à qui que ce soit, sans voir personne en dehors de mes deux pokémons. J'apprenais à vivre sans toutes ces drogues, la seule chose que je continuais été la cigarette, chose dont je ne pouvais pas me détacher. Ma grand-mère était éleveuse de pokémon, elle vivait avec son employée, une jeune fille dont le visage si parfait me donnait envie de lui briser les côtes pour la voir se tordre de douleur. A trois mois et demi, je recommençais à me nourrir à peu près correctement et sortais de ma chambre quelques minutes durant la journée. Je vivais à ma façon un vrai programme de désintox et de ré-insertion, le tout contrôlé par ma grand mère.
Six mois plus tard, après moult et moult tentatives de mes parents de prendre de mes nouvelles, j'acceptais enfin que ma grand-mère leur parle de moi. Je renaissais, réellement. Je prenais du poids et faisait du sport. Mon corps maigrichon se transformait. Je devenais musclé, mais sans être une montagne. J'aimais mon apparence filiforme et svelte et j’admettais volontiers que j'étais beaucoup mieux comme ça que mon état cadavérique de l'année précédente.
J'apprenais auprès de ma grand mère tout ce que j'avais à savoir sur les pokémons, passant de leur besoin à leur espèce. J'ignorais tout et me retrouvais comme un enfant de cinq ans. Je passais mes journées dehors avec les pokemons, ma mauvaise passade n'était plus qu'un souvenir lointain dans ma mère, mais si présent chronologiquement et physiquement. Je fatiguais vite, malgré tout. J'assista à ma première mise-bas de pokemon, une Aquali appartenant à ma famille -ma grand mère produisait exclusivement des évolis- et là, ce fût une révélation pour moi. Je savais que je deviendrais éleveur. Je suis restée presque deux ans che ma grand mère à apprendre, laissant naître une complicité débordante avec celle-ci et avec les pokémons de l'élevage. Lorsque ma rémission fût finie et que mes parents jugèrent bon de me reprendre, ils me forcèrent à quitter Hehta, ce que je fis à contre coeur. Au fond de moi je savais que c'était nécessaire, ainsi je pourrais aller sur les routes et apprendre encore plus sur les pokémons et l'élevage. Alors, un peu après mes vingt ans, je suis revenue au nid familiale, le noeud au ventre. Pendant ces deux ans, je n'avais pas décroché le téléphone ou daignait prendre un appel, tout ça c'était comme nouveau pour moi. Ma mère était marquée par le temps et l'inquiétude, sur son si beau visage traînait à présent quelques rides. Mon père lui était absent. Klad, je l'évitais simplement ou l'ignorais lorsque sa présence m'était trop proche et insupportable à la fois. J'ai réussi à pardonner à mes parents, mais pas mon frère. Je crois que je n'en serai jamais capable. Pourquoi ce lien si fort que nous avions a-t-il disparu ? Où sont passées nos années où ne nous faisions qu'un ? Le voir me donne envie de le cogner et de vomir à la fois. Je ne connaissais pas ce jeune homme face à moi qui m'avait -à mes yeux- tout volé ; ma vie, mon nom, l'attention de mes parents, mes amis.
Lorsque je revins à Domuraille, je ne repris contact qu'avec Daisuke sous les plaintes inquiètes de ma mère de me revoir plonger. J'avoue avoir reprit le goût aux drogues, mais je n'en dépendais plus. Je restais conscient et fêtard maintenant, m'arrêtant aux joints et la cocaïne. Quelque chose me manquait terriblement, les pokémons, cette communion avec eux et l'envie d'apprendre de ma grand-mère. Alors, c'est ainsi que du jours au lendemain j'ai décidé de partir, ne prévenant que mon meilleur ami.