OUVERTURE - Extérieur nuit

La mer est encore sombre à l'ouest et se fond dans la nuit. Des vagues soupirantes viennent lécher le sable ourlé de gris, boursouflures écumantes étirant leurs franges pâles le long de leurs fronts noirs. La plage étincellante est seule au matin, et du vent le soupir s'allonge sans obstacle dans ce vide paysage. On croirait du sel en croûte accumulé, ce tapis scintillant qui masque les dunes ; mais les pas décidés s'y impriment en bruissant, découpant dans le gel la forme d'une chaussure brutale. Semelle renforcée qui creuse des puits obscurs où le sable s'écroule, retenu à grand peine par son humidité. Il n'y a pas d'autre bruit que ces craquements, ces glissements de terrain comme la fine couche de givre cède et s'effondre, enfoncée, fondue sous une marche martiale. Autour des pas, intacte, elle scintille, indifférente; éclats, quartz et mica, sombre lumière couvrant tout ce qui est inerte, tout ce qui ne vit pas, crispé et saisi par la nuit et le froid.

Froide, et splendide parce qu'inarpentée, la plage moire ses courbes douces de cette parure gelée, et peu à peu émerge, dans les lueurs de l'aube. D'abord c'est une grisaille qui va s'éclaircissant, découpant des contours sans ramener la couleur. La petite silhouette noire,  solitaire qui s'avance, entre deux bras de mer, a la coiffe teinte lune et les yeux celle du gel. Son souffle tiède fait de petits nuages et c'est la seule chose qui ne soit pas glacée. Peau pâle à peine découverte entre écharpe et manteau long, elle marche droit devant-elle, tête droite, regard à l'horizon.

Le soleil jaillit dans son dos ; les dunes sont franchies par le rideau de lumière, la Terre tourne et l'océan est rattrapé. Tout baigne de clarté, dramatiquement rougi par le soleil levant. Les cristaux s'effacent, fondus en un instant. Et du froid de la nuit seule demeure Wissel.
Etoile du nord, mèches lâchées au mistral, rayonnantes de blondeur mordue par le soleil. Et ses yeux sont sauvages et sans plus de pitié que cet endroit désert, un moment échappé à l'emprise molle des touristes. En janvier la nature reprend ses droits. Cette nature qu'elle vient affronter.

Derrière elle dans son ombre cliquète le Scalpion. Il se tient à l'affut de toute proie qui passe, une trace sur le sable, un bruit sous un rocher. Sa maîtresse trace droit, sans apprécier la beauté monumentale des lieux. Trop vite, trop assurée pour une promeneuse. Car ils sont là pour s'entrainer, la ranger et son arme. Là à l'heure où les Pokemons sortent. A l'heure de la chasse.