La tombe sans nom [La rencontre de Bellum] - 11 ans ; Ancien temple Distorsion
Depuis combien de temps es-tu là ? Depuis combien de minutes, d'heures, de jours, d'année, que dis-je ! De siècles erres-tu dans les limbes ? Tu l'ignores, la désorientation temporelle a fait ton office, le sablier s'est arrêté et la mort ricane. Elle a volé ton nom, ton identité, ce que tu étais. Tu n'es plus rien qu'un ombre perdu parmi tant d'autres. Tu as froid, tu as peur, tu ne veux pas rester seul, alors tu te fais des amis. Tes « amis »... tu les forces à rester avec toi, tu les arraches de leur monde plein de lumière. Tu ne veux pas être seul. Tu entends des mots durs, des mots tristes, tu portes malheur, t'apporte la mort, mais qu'importe tu es entouré, entouré de cent sept âmes que tu as volé à la vie. Mais pourtant tu te sens toujours seul, vous vous sentez toujours seul.
Tu entends un bruit, des pas, ils s'arrêtent, vous vous sentez observé, ils se taisent, tu écoutes. Une petite voix, cristalline, un enfant, que dit-il ? ─ Pourquoi elle est toute sale celle-là ? Sale ? Qui est sale ? Toi ? Sans doute, cela faisait longtemps que vous étiez là, la nature vous avez presque recouvert. ─ Car elle n'appartient à personne d'important, dit une autre voix, plus vieille, plus rauque. Ne t'approche pas, on dit qu'elle est maudite. Tu ne dis rien, il avait raison, tu n'étais rien, tu ne savais même pas ton nom. Tu restas au fond de tes limbes, timides de te montrer, de faire fuir. Mais tu te reprends, cela faisait tellement longtemps que quelqu'un était venu vers toi, tu t'approchas de cette fissure qui te séparé de ce monde plein de lumière et tu vis. Un enfant qui te regardait, un enfant aux cheveux clair et aux yeux rubis. Un regard non effrayé, légèrement grave. ─ C'est triste qu'elle soit laissé là, comme ça, rajouta-t-il avant que l'homme le prenne pas la main et le ramène vers le temple siégeant à tes côtés. Non, non, ne part pas ! Pensas-tu désespérément, tu voulais le prendre avec toi, pour t'en faire un ami... mais il était parti.
La nuit passa, encore seule avec tes centaines de voix, qui t’appréciaient, que te haïssaient. Encore un jour qui se leva, encore et toujours la même chose. Non, pas aujourd'hui, car tu te réveillas plus tôt, un bruit attira ton attention, un frôlement, un grattement, on te touchait. Tu regardas par la fente, il était là, le jeune garçon, il était en train de te débarrasser des feuilles et des lianes qui te recouvraient, s'aidant d'une étrange épée. Pourquoi se fatiguait-il ainsi ? Pour toi, toi l'être sans nom . Personne n'avait fait attention à toi, oubliant presque la mauvaise augure que tu incarnais autrefois à force de vouloir trop t'entourer. ─ Et voilà ! Tu s tout beau maintenant !... Puis il repartit, encore une fois.
Tu espérais qu'il revienne, qu'il vienne de lui-même, sans que tu aies à le forcer, à l'enfermer avec toi. Et le lendemain il revint, avec des fleurs. C'était à peine s'il voyait devant lui et les posa sur toi comme pour tous les autres autour de toi et repartit. Tous les jours il venait, parfois resté lire un de ses gros grimoires, pour réciter ses cours, pour manier la lame qu'il avait toujours avec lui. Puis un jour, il s'endormit, et tu décidas de sortir.
Tu passas cette fissure si étroite, tu n'avais jamais sorti plus que ta main pour agripper tes « amis », mais là, tu sortis complètement, planant au-dessus du petit garçon aux yeux rubis, pour le regarder. Il ouvrit soudainement les yeux, sourit et te dis : ─ Salut ! Tu sursautas, ne t'attendant pas à cette réaction, tu rentras immédiatement dans tes limbes. ─ Eh ! Fuis pas ! Tu hésites, sort un peu, tu es plus curieux que craintif, tu hésites, non il ne comprendra pas, mais tu tentes quand même : « Pourquoi viens-tu me voir tous les jours ? » ─ Parce que c'est triste une tombe abandonnée. « Tu... tu me comprends ? » Demandas-tu étonné. ─ Que dalle ! Tes murmures ne veulent rien dire... c'est Onox qui traduit pour moi. Tu regardas ce que l'enfant te montrait, l'épée était dressée et te fixait de ton œil unique. ─ C'est un fantôme, comme toi, alors il te comprend. Même s'il dit que tu parles avec plusieurs voix et que c'est agaçant de trier. Tu le regardas incrédule, puis rit, rit, cela faisait des siècles que ce ne t'était pas arrivé. ─ C'est quoi ton nom . Demanda-t-il. Moi c'est Ézéchiel Zacharie R'lyeh ! Enfin appelle-moi juste Ez' ou Zach. Tu ne ris plus, baissant le regard. ─ Tu n'as pas de nom . Tu secouas négativement la tête. Le garçon leva la sienne, pensif, puis avec un grand sourire. ─ Si tu deviens mon ami, je t'en donnerai un ! Ami, il te demandait d'être son ami . On ne avais jamais proposé ça, c'était toi qui demandais. Ton visage s'illumina, ton sourire grandit, et tu réponduit « oui ! ». ─ Alors bienvenue parmi nous, Bellum !
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