u es là assis en tailleur sur un banc, ta toge se soulevant légèrement au gré du vent. Onox dort paisiblement dans son fourreau accroché à ton dos. Tu regardes avec nostalgie le manoir devant toi, ce lieu où tu es né, ces nobles... que tu as servies. Oui, tu es né pauvre, tu es né serviteur et ta maladresse faillie plusieurs fois par te mener hors des murs protecteurs de Domuraille. Tu as toujours été lunatique, imprévisible, mais tu faisais des efforts pour rendre heureuse ta génitrice faute d'avoir un mari pour la protéger. Cependant, combien de fois as-tu cassé des vase, dévalé les escaliers tapissés de ce maudit tapis, renversé le thé brûlant sur ton maître ? Tu souris, tu n'en savais rien. C'était vraiment un miracle si à cette époque on t'avait gardé, qu'on t'avais laissé une dernière chance en te donna comme travail de t'occuper des pokémons du maître. On peut dire que ce fut la révélation, enfin tu étais doué pour quelque chose. Tu pris confiance en toi et tes maladresses diminuèrent, la seule chose qui te faisait encore défaut était : que tu avais peur de dormir.
Tu remplis pendant longtemps ton rôle de palefrenier ; jusqu'au jour où cet homme vint à la maison.

C'était un prêtre distorsion, vénérant une religion pratiquée dans la ville. Ta mère t'avait appris quelques principes sans vraiment aller dans les détails. Tu n'avais jamais su qu'en penser mais tu étais curieux. C'était un très vieil homme, tremblant et au bout de sa vie, il portait une toge ressemblant à celle que tu portes aujourd'hui, mais ce qui te marqua le plus, ce fut l’œil rougeoyant de l'épée accroché à son dos. Tu en avais jamais vu des comme ça, elle semblait vivante et te fixer avec une intensité qui te mettait mal à l'aise. Un pokémon, non, tu n'en avais jamais vu des comme ça en ce temps-là, c'était ton imagination. Ton maître t'avait appelé pour apporter du thé, ta mère était trop occupée pour le faire et tu avais su t'améliorer de ce côté-là. Tu avais sursauté et amené le plateau vers les deux hommes qui discutait. Cependant, tu n'avais pas réussi à détacher ton regard de cette lame qui semblait te suivre du regard. Tu te souvins des sueurs froides, de ta perte d'équilibre et surtout, cette vision où tu vis les deux tasses se jeter avec amour sur le prêtre. Maudit tapis, tu hais les tapis, tu voudrais tous les brûler !
─ Qu'as-tu fait misérable ! Avait hurlé le noble.
Il s'était levé d'un bon, le visage rouge de colère. Lui qui avait été si clément avec toi, c'était la première fois que tu le voyais aussi énervée. L'homme que tu avais brûlé était si important que ça ? Oui, et pour cause, c'était un des gourous de la secte venue pour affaire.
L'homme s'était levé en même temps que tu avais rentré ta tête dans tes épaules, prêt à te mettre la gifle du siècle. Mais la main n'arriva jamais à destination, stoppée nette par les foulards accrochés à l'étrange épée qui s'était dégainée seule et s'était placé entre le noble et toi. La lame relâcha rapidement la poignée de l'homme qui commençait à se vider de son énergie et s'était enroulé autour de toi.
─ Oh oh ! Je vois que tu as choisi ton nouveau dresseur Onox, dit le vieil homme.
Tu étais resté interloqué, ne comprenant pas vraiment ce qu'il avait voulu dire, ton maître se redressa, faisant presque la même tête que toi.
─ Comment ? Mais c'était mon fils qui devait hériter de votre monorpale, grand maître.
─ En effet, il en aurait hérité s'il avait été choisis. Mais tu sais très bien que ce n'est pas l'homme qui choisit sa relique, mais la relique qui choisit son dresseurs. Et il semble qu'Onox ait jeté son dévolu sur ce jeune garçon.
─ Mais ce n'est qu'un roturier !
─ Ça en est d'autant plus amusant, dit le vieux gourou en rigolant. D'ailleurs pourquoi lui, mon ami.
Le monorpal à l'oeil d'or s'était tourné vers le prêtre, puis s'était dirigé vers l'encrier sur la table pour y tremper une des fourches de son ruban pour écrire sur une feuille : « Il rêve ».
L'homme fut surpris et comprit rapidement, il t'avait demandé de quoi tu rêvais par curiosité. D'une voix hésitante tu lui avais répondu aussi poliment qu'on te l'avait appris :
─ Un rêve ? J’appellerai ça plus un cauchemar, monsieur. Toutes les nuits je vois une forme sombre avec des yeux rouges me fixer, il est entouré d'une brume blanche et me tend la main, enfin je crois que c'est une main. Mais comme j'en ai peur je refuse et les ténèbres m’engloutissent. Après j'ai comme l'impression de me noyer et je me réveille avec des douleurs partout et une difficulté à respirer...
─ Et tu as réussi à te réveiller à chaque fois ? Je comprends pourquoi la relique t'a choisi, si tu arrives à lui survivre tu peux largement brandir Onox. Ethan, je vais prendre ce garçon avec moi, si cela ne te dérange pas.
─ Bien... bien sur que n...
─ Il en est hors de question, avais-tu hurler en osant couper ton maître. Je ne veux pas quitter ma mère.
Le prêtre t'avait sourit, et s'était agenouillé devant toi, pour être à la même hauteur que tes dix années t'avais donnée, t'avais caressé tes cheveux d'argent. Tu étais effrayé en ce temps-là, perdu et dans l'incompréhension.
─ Si le messager vient te voir c'est que tu as été choisis, si tu respectes pas sa décision, il viendra toutes les nuits, jusqu'à ce qu'un jour, tu ne puisses plus te réveiller. Par contre si tu viens servir les Dieux, ta condition sera nettement améliorée, ainsi que celle de ta mère.
─ Oui, mais j'ai volé le pokémon de mon petit maître... vous allez pas faire de mal à ma maman hein ?! Dis-tu en regardant le noble que tu servais.
─ Bien sûr que non, n'est-ce pas Ethan ?
Le noble grommela et finit par dire oui, obligé d’obéir au gourou de la secte qu'il vénérait. Tu fus donc emmené dans la secte, dans l'ancien temple où étaient formés les disciples. Tu pus sortir enfin de Domuraille mais pour être finalement enfermé derrière d'autres mur pendant dix ans.

Tu te souviens très bien de ces dix années. Les premiers jours avaient été un déchirement, être séparé de ta mère si jeune t'avais été insupportable, tu étais entré dans une dépression de quelques semaines. Cela t'avais sans aucun doute endurci, mais pas que. Au moins tes cauchemars avaient fini par disparaître. On t'avait attribué un tuteur, un prêtre répondant au nom d'Isaac. C'était quelqu'un de sympathique mais plutôt stricte. Il était réputé et tu avais eu l'honneur de l'avoir comme maître en raison de l'intérêt que te portait un pokémon sacré. Évidemment cet intérêt avait suscité une certaine jalousie chez les autres disciples. Tu étais souvent seul, timide, ne voulant pas te mêler aux autres qui te jugé en raison de tes origines de serviteurs. Tu avais donc finit par t'abandonner au culte qu'ont tu'avais offert, te réfugiant dans les livres de sutras et les prières pour oublier mais aussi pour prouver que tu étais aussi apte que les autres à devenir un prêtre de Giratina. Tu appris donc assez rapidement tous les textes sacrés et les doctrines religieuses.
Ton premier entraînement fut d’apprendre à tenir l'épée sans flancher, ce dernier aspirant automatiquement ton énergie vitale. Heureusement, tu en avais beaucoup et c'était pour cela qu'il t'avait choisi. Cependant, la douleur du drainage te faisait rapidement lâcher prise et quand tu réussis à la tenir, c'était l'endurance qu'il fallut endurcir. En cinq ans tu avais réussi à manier Onox pendant trente minutes, aujourd'hui tu tiens une heure avant de t'effondrer ; parfois plus longtemps s'il a été nourrit de l'âme d'un autre. On t'apprit aussi à communiquer avec lui, à l'écouter mentalement, cela te prit deux ans avant de réussir à entendre Onox pour la première fois et encore deux pour le comprendre totalement sans avoir la migraine. Pendant ton éducation, tes journées furent très remplis entre apprentissage et entraînement. Petit à petit, tu fus endoctriné dans la religion distorsion, vénérant les dieux sombres, la vision d'un nouveau monde est pour toi comme un rêve que tu peux frôler du bout des doigts.
Vers vingt ans tu avais subi l'ultime épreuve des jeunes disciples de la secte. Une épreuve où chacun devait battre les autres en combat singulier, les gagnants se voyaient revêtir le titre de prêtre et pouvait sortir du temple.

Tu n'as jamais oublié ce jour, celui qui t'a montré à quel point en dix ans tu avais changé.
La pièce était grande et sans issus, tu étais parmi une vingtaine de disciple, ta main proche d'Onox, prêt à le dégainer. Les matchs se faisaient un contre un, tu t'étais retrouvé face à un homme du même âge que toi en possession d'un corboss. Tu avais dégainé le monorpale qui s'était jeté vers le corboss pour le taillader en deux. L'adversaire avait perdu, pourtant le combat n'était pas terminé. Onox qui avait laissé enrouler son ruban autour de ton bras pour gagner en énergie était revenu pommeau dans ta main et t'avais fixé d'un regard que tu n'oublieras pas. Un regard perçant et insistant qui accompagnaient ses quelques mots : « Tues-le ! » Au départ tu t'étais rebellé mais la lame insista, estiment que tu devais obéir. Alors tu t'étais avancé vers ton adversaire, et tu le poignardas de part en part à l'aide du monorpale. À ce moment-là, tu avais ressenti la lourdeur de porter Onox s’alléger et l'énergie qu'il t'avait volé revenir. Une sensation que tu trouvas immédiatement agréable, presque enivrante. Tu avais regardé le corps s’effondrer et compris ce qu'avait voulu dire ton partenaire. Les combats s’enchaînèrent et tu avais occis de ta lame tous ceux qui perdaient contre toi, ne pouvant t'arrêter comme une drogue qui contrôlait tes gestes assassins ; jusqu'à qu'il en reste trois. À partir de là, les supérieures t'arrêtèrent de force, te forcèrent à reprendre tes esprits pour te demander pourquoi tu avais fait preuve d'autant de cruauté. Et tu répondis calmement :
─ Les faibles ne sont pas dignes de servir les Dieux.
Lorsque tu vis les adeptes sourire, tu savais que tu avais réussi l'épreuve, tu avais compris leurs principes : Les élus sont ceux capables d'aller le plus haut possible.

Tu restas deux ans de plus pour contrôler au mieux le monorpale sacré, mais à chaque sacrifice, ton mental en prenait un coup, plus tu purifiais les faibles âmes par la mort et plus tu avais envie de tuer, comme un besoin, comme une drogue qui te rend fou dès la première prise. Tu es fort pour supporter le poids d'Onox mais tu es faibles mentalement. L'épée te ronge, te dévore sans t'en rendre compte, ainsi est-elle faite.
Et maintenant tu es là, à Domuraille, devant le manoir où tu es né pour revoir ta génitrice. Enfin c'est ce qui était prévu car elle n'est plus là. Tu as appris que le noble que tu avais servi, après ton départ, avait renvoyé ta mère de l'autre côté des murs. Il était censé la protégée en attendant ton retour, il n'a pas su respecter ses paroles. Il ne mérite pas d'être sauvé par les Dieux lors de la nouvelle ère, il ne mérite pas d'être transpercé par la lame sacrée pour sa trahison.

Il est minuit, il fait nuit.
Il est minuit, ils sont endormis.
Père, femme et enfants dans leur lit.

Il est minuit, tu les vis.
Il est minuit, elles luisent
Les tapis que tu détestes, brûlaient vifs.

Et toi tu ris.