A vrai dire, je ne me rappelle de rien qui date d'avant mon arrivée ici, au temple. On m'a raconté que je suis né à Merya, mon père était inconnu par tout le monde. Personne ne savait à quoi il ressemblait ou qui il était, ma mère n'a jamais parlé de lui, à personne. Quant à elle, elle est décédée dans un accident de voiture lorsque j'avais trois ans. Enfin, c'est ce qu'il parait. J'ai vécu jusqu'à mes quatre ans chez une tante à Domuraille, qui à son tour a disparu. Parfois je crois me souvenir d'elle, mais tout est flou, je ne sais pas réellement si c'est mon imagination ou la réalité. Pendant deux ans, j'ai été envoyé dans un orphelinat pour finalement être adopté par un homme prétendant être un ami de ma tante. Je ne me souvenais pas de lui, mais, je ne devais pas me plaindre, c'était une chance de sortir d'ici.
Je fus emmener au temple à ce moment-là. Je me souviens de la nuit et de l'air frais, de l'architecture extérieure asiatique de cet endroit qui deviendrait "ma maison", du moins, au sous-sol. J'avais ma propre chambre sans porte ni fenêtre, aucune intimité ni lumière du jour. Ils m'ont appris à lire, à écrire et à compter. On me faisait l'école dans les bas-fonds, on m'apprit le culte de notre Dieu et j'étais fasciné. J'étais heureux d'une certaine façon, je ne connais que ça. J'ai rencontré une grande sœur, elle s'appelait Kitai. Les prêtres m'ont expliqué que chacun de nous, enfants du temple et autres adeptes avions notre nom que seuls ceux d'ici pouvaient connaître, on me donna le nom de Neru. Quelques temps plus tard, je trouvais une sorte de petit corbeau -un cornèbre pour être exact- dans la forêt et nous sommes devenus amis. Il ne me quitta plus jamais. Les cornèbres ont toujours été signe de malheurs chez la plupart des gens, moi j'aimais son plumage noir bleuté et ses yeux rougeâtres qui se reflétaient dans les miens.
Mais bien vite, la vie d'ici m'insupportait. Je n'aimais pas recevoir des ordres, me sentir bridé et prisonnier alors que j'aspirais à vivre "au-dessus". Nozomi, ma seule amie, ma soeur, était partie. La solitude me rongeait petit à petit, j'avais l'impression que la folie me gagnait au fur et à mesure, toujours plus forte. Il est temps pour moi de sortir d'ici, de partir vivre ma vie comme je l'entends, mon Dieu le comprendra, lui.