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 ID:err: l'art de la grève et la voie du bug

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Anonymous
Invité
Mer 8 Avr - 0:26


worlov
Les réparations d'ID:err
précédents évènements (Antre de la Morna)


Trois semaines déjà que je me débats pour réparer les dégâts causés par le maudit nosférapti. Des recherches longues et pénibles sur le Sc.net, l’import de revêtement synthétique pour s’occuper des fissures et des trous laissés par les dents pointues de la chovsouris, et pire, la réorganisation des différents modules qui n’ont pas apprécié le shutdown d’ID :err et ont manifesté leur mécontentement en quittant purement et simplement le gestionnaire de tâches.
Après, je dois dire que ces semaines ont quand même eu une vertu : me faire renouer avec des progrès tangibles. Là, je peux voir chaque jour les effets de mon travail. Mais aujourd’hui, c’est à priori terminé, je vais pouvoir relancer ID :err, et constater si son comportement a été altéré par le combat.
J’ai travaillé en parallèle sur un article annexe que je vais soumettre à publication. Les droits que j’ai touchés ce début de mois-ci ne suffisent pas pour compenser mes dernières dépenses pour ID :err. Un papier assez quelconque sur les effets de la nosféraptine. Après tout, le découvreur du diéthylamide de l’acide lysergique l’a testé lui-même… Pourquoi pas moi ? Je soumettrai l’article au directeur des publications scientifiques d’Alcéa pour une revue par les pairs. Curieusement, l’organisme semble supervisé par la VK corp. Le risque de conflit d’intérêt a l’air assez grand, je me méfie. D’autant plus que d’après ce que j’ai cru comprendre, la VK corp a des problèmes avec des criminels en ce moment. Il ne faudrait pas que de l’information scientifique de valeur tombe entre des mains qui ne savent pas veiller dessus.
Mon porygon est posé sur le large bureau de la cabane, désactivé. La portion réparée n’est pas de la même couleur que le reste et jure un peu sur l’aspect lissé et poli d’ID :err. Pour le coup, ça m’est égal.
Depuis quelques jours, la neige a presque entièrement fondu et le temps est devenu plus clément, un peu de lumière même commence à rentrer par la petite fenêtre. Les diverses blessures que j’ai ramenées de l’antre de la Morna sont à peu près toutes guéries, même si ma jambe s’orne d’une cicatrice disgracieuse.  Sur la table, en vrac, des articles et des schémas ressortis de mes cartons, mon exemplaire volumineux des Toxines Naturelles annoté ouvert sur la page consacrée à la nosféraptine.
Dans un autre coin, les plans de montage bleus de porygon, récupérés dans mes dossiers de la Sylph.
Il y a quelques jours, je suis retombé sur des traces de griffes, plus fines mais plus profondes, sur les arbres aux alentours de chez moi. Je soupçonne un dimoret, cette fois. Pas forcément plus rassurant qu’un polagriffe. A chaque fois que je repense à la catastrophe que fut cette expédition… Ridicule.
Rétrospectivement, le plus pénible aura été d’avoir à faire à nouveau à ce guide de Tarme, qui n’a pas pu s’empêcher de répéter la petite histoire à ses bons amis.
Je l’ai découvert en allant prendre un déjeuner à la cambuse il y a quelques jours, quand l’insupportable patron m’en a fait la remarque, profitant au passage pour se moquer copieusement. Ce qui m’a surpris en revanche, c’est que lui y est déjà allé, dans cette grotte. Il m’a même laissé un plan dessiné par ses soins, que j’ai trouvé surprenant de clarté et de précision, même si les notes et légendes en sont intraduisibles. J’ai du mal à comprendre la sympathie que semble me témoigner ce géant étrange, d’autant plus que je ne fais vraiment aucun effort pour la mériter ou me l’attirer. Je vais finir par croire qu’il fait bel et bien partie de ces altruistes compulsifs. Ce que j’ai encore plus de mal à comprendre, c’est pourquoi il continue de s’encombrer du monstre adipeux et répugnant qui lui sert d’ornement de comptoir, son keunotor bouffi et geignard. Un jour ou un autre, il faudra que je l’empoisonne. Mais pour le moment, je n’ai pas de capsule en excès. Ça peut attendre.
Je finis un thé brûlant, et pose la tasse dans une coupelle dans un des rares coins à côté du moniteur qui ne soit pas envahi de paperasse. Je fais craquer mes phalanges, une habitude déplorable qui me prend de temps en temps quand je suis sur le point de conclure un travail important. Puis je connecte ID :err au moniteur. Du chemin a été parcouru depuis mon retour chaotique de la Morna. Les innombrables rapports d’erreur ont laissé la place à quelques avertissements épars, que je corrige. Le flight assist a regagné son emplacement normal, il devrait pouvoir être activé si tout se passe bien. J’ai même réussi à traduire les derniers évènements pour le module de combat, de telle sorte qu’il s’en serve à l’avenir en cas de situation similaire. Pour le moment, ça n’a pas l’air d’être pris en compte, mais en tout cas c’est là.
J’installe les derniers correctifs publiés sur le Sc.net, comme à l’accoutumée des détails futiles et sans intérêt, mais qui ont le mérite de m’aider à mieux comprendre le fonctionnement du scanner d’ID :err. En continuant comme ça, je vais peut-être finir par savoir pour quelle raison absurde il était si fasciné par le réchaud ou essayait de bouffer le bitume de la place.
On n’y est pas encore.

Je me penche en arrière dans mon fauteuil en bois, le faisant basculer en équilibre. Il craque un peu sous mon poids, mais je ne m’inquiète pas trop pour sa robustesse. A l’écran, l’évaluation d’état donne toujours mon porygon comme sévèrement endommagé, en dépit du règlement de la quasi-totalité des erreurs. Pour une raison qui m’échappe, il ne parvient pas à comprendre qu’il est réparé, et le verrouillage total de ses fonctions par mesure de sécurité n’est donc pas levé.
J’ai essayé de changer manuellement les valeurs, mais la protection de copie/modification de base intégrée au code de la Sylph empêche de trop toucher à cette partie-là. Dire que ce n’est même pas directement le chiffrement de Worlov et que c’est déjà un souci est assez agaçant. Il faudra pourtant bien que je réussisse à percer…
Là, je n’ai vraiment aucune idée. Comme d’habitude dans ce genre de situation, le mieux est encore de laisser reposer en faisant quelque chose de productif. Autant en profiter pour aller publier mon article au centre pokémon. Ce serait quand même plus pratique d’avoir accès au net global ici, il faudra que je me procure un module pour le moniteur quand j’irai à Talma pour le matériel médical.
Je boutonne ma blouse et récupère ma sacoche. Par réflexe, ma main se tend vers la pokéball d’ID :err sur le bureau. Je soupire, prends le porte-monnaie qui traine à côté et sors de chez moi. L’après-midi est déjà avancé, mais il fait toujours franchement jour. C’est agréable… J’ai fini par trouver une forme de satisfaction à faire ce trajet entre ma cabane et la ville, à la lisière du bois. Les bruits ou le silence, selon l’heure, ont tous deux quelque chose de bien particulier qui me parle. La fonte de la neige a laissé de la boue sur le chemin, j’apprécie l’étanchéité de mes bottes. Mais aujourd’hui, c’est l’écran de l’évaluation d’état qui est devant mes yeux, pas ce paysage de printemps en train de faire son retour. Les chants de pokémon oiseaux, les quelques nirondelles, je ne les entends pas. Le parfum frais de la forêt sortie frimas m’indiffère.
En arrivant dans la ville, je passe d’abord à l’échoppe, pour racheter une superball. Celle que j’ai gâchée contre le nosférapti m’est restée en travers de la gorge, mais je n’ai pas vraiment le choix. J’entre dans la boutique mal éclairée et poussiéreuse. La grosse dame qui tenait la caisse la fois dernière n’est pas là, à sa place, en train de se curer les ongles avec désinvolture, un jeune adolescent laid et dégingandé.
Il lève les yeux vers moi quand j’entre, l’air dérangé dans son importante occupation.

« Bonjour, j’peux faire quelque chose pour vous ? » me lance-t-il, affalé dans son fauteuil.

Je ne m’embarrasse pas d'une réponse, prends la superball sur le présentoir, souffle dessus pour en enlever la poussière comme je peux, et l’apporte au comptoir.

« Ça  fera 600 p$ », lâche-t-il, un peu gêné par mon manque de réaction à son attention.

Je pose l’argent sur le comptoir sans le regarder. Peut-être qu’aujourd’hui je suis de mauvaise humeur, en fait. Le jeune con range l’argent dans la caisse, je mets la ball dans mon sac, me retourne pour partir. J’entends le type s’affaler à nouveau dans son fauteuil. Soudain, je réalise que ça ne va pas du tout. Je ne peux pas me contenter de ça, il faut que je me défoule un peu. Je m’arrête devant la porte.

« Ecoute-moi bien, tocard, » dis-je en lui tournant le dos.

« Pardon ? »

« T'es sourd, ducon? », réponds-je, plus fort. « Tu vas te lever, te sortir les doigts du cul et ranger ce bordel. J’en ai marre de foutre les pieds dans un taudis où la poussière elle-même va commencer à tousser. Passe le mot à ta grognasse de mère ou de patronne, j’en ai rien à cirer, mais si je reviens ici, je veux que cette boutique de merde brille. Ça m’est égal que tu n’aies pas de cerveau, si tu encombres l’autre côté du comptoir, tu le fais avec un minimum de décence. »

« T’as craqué ou quoi, l’ancêtre ? » gueule le jeune veau que j’entends se lever précipitamment derrière moi.

Je me retourne lentement, marche droit vers lui, un rictus mauvais au coin de la bouche. L’ado a un mouvement de recul, il lève puérilement les poings devant son visage. Je m’arrête juste devant le comptoir, plante mon regard droit dans le sien. Il pâlit à vue d’œil, il comprend que je ne plaisante pas.

« Tu commences maintenant. »

« Tu crois que tu me fais peur, connard ? »

« Oui. Et tu as raison. »

« Casses-toi où j’appelle les rangers! »

« Avec plaisir. On pourra discuter de l’herbe que tu planques. Tu t’en rends pas compte, mais pour qui a du nez pour les substances, cet endroit pue la drogue. Ça aussi tu ferais mieux de faire en sorte que ça change. »


Le jeune con tressaille en entendant ça. Il déglutit, incapable de répondre quoi que ce soit. Je pars alors qu’il a déjà commencé à briquer le comptoir, profondément satisfait de moi-même.
J’arrive au centre pokémon et salue l’inénarrable hôtesse d’accueil qui me gratifie de son sourire robotique. Elle a l'air fatigué, sans doute que son emploi du temps ne lui laisse pas de répit. Quelle vie épuisante, rester debout à ne rien faire. Dommage, la fatigue ne va pas à son visage pourtant assez fin, le tarrant de cernes noirs. Je récupère la carte d’accès qu’elle me tend et vais m’installer devant un poste. J’insère la clé de stockage dans la machine, et charge l’article pour le préparer à l’envoi. Il ne reste plus qu’à l’expédier sur la boîte mail de la VKcorp.
Je souris intérieurement en envoyant l’article. Une de mes vieilles marottes, le poison de nosférapti. Pendant des années, j’ai préparé des solutions d’anesthésiant pour les cliniques et même des centres pokémon en prétendant qu’il s’agissait de nostenférine, en proposant à la place de la nosféraptine raffinée, l’α-nosféraptine. Et comme ça a bien marché, très bien même, les gens ne se sont pas posé trop de questions, ce qui de mon côté m’a permis de récupérer des données précieuses à l’insu de mes sujets de test et du personnel soignant. Et de lancer un autre test en parallèle sur la β-nosféraptine que j’ai substituée à des antidépresseurs dans quelques hôpitaux psychiatriques de Kanto où j’ai eu accès.
Je n’en ai pas tiré grand-chose, à l’époque, vu que je n'ai pas vraiment pu résoudre le problème de combinaison des deux composés actifs de la nosféraptine… Et les effets très indésirables qu’elle entraîne, dont j’ai tout récemment été rappelé par mon petit détour par la Morna. Mais les données ont toujours leur valeur, et je suis à peu près certain qu’avec le nouveau processus que j’ai mis au point et que je décris dans l’article, la combinaison peut être évitée. C’est un peu la galère de l’autre jour qui me l’a fait comprendre, à cause du délai avant le début des hallucinations. Les deux substances ont le même rythme, mais pas le même tempo… On peut jouer là dessus pour faire en sorte qu’elles agissent en même temps, mais pas ensemble. En les séparant à la base même avec une enzyme un peu spéciale (il faut aussi que je l'envoie au bureau des brevets, d'ailleurs). Mon seul regret est encore de ne pas pouvoir publier l’intégralité de ma recherche pour des raisons d’éthique. Clairement, je n’ai pas testé que sur des rattatas de laboratoire légaux…

Modération
  • ID:err de nouveau fonctionnel (pvs soignés)
  • Envoi d'un mail à  VKcorp@pkmail.net
  • Achat d'une super ball pour 600p$


  • Dernière édition par Garand Worlov le Jeu 28 Mai - 23:12, édité 5 fois
    Maître du Jeu
    Maître du Jeu
    Mer 8 Avr - 22:24
    PNJ MJ

    Messages : 2505

      Soin
    Votre Porygon est soigné.

      Achat
    • SuperBall (x1) : 600P $
    Total : 600 P$

    Vous pouvez éditer votre T-Card !
    Anonymous
    Invité
    Jeu 23 Avr - 2:46


    worlov
    Vers la Morna, encore

    Une fois rentré chez moi, je ferme la porte, comme pour me couper mentalement du monde extérieur. J’ai passé pas mal de temps à flâner en ville, un peu ennuyé par la perspective de devoir encore me plonger dans les entrailles d’ID :err à mon retour. Je suis allé boire un café sec à la cambuse, où pour une fois Emile ne m’a pas fait de remarque impertinente. Il avait l’air à cran. A bien y réfléchir, c’est toute la ville qui n’a pas l’air dans son assiette aujourd’hui. Ou alors c’est moi qui projette mon propre état d’esprit sur elle…
    Je pose mes affaires sur la grande table. ID :err est toujours éteint, immobile là où je l’ai laissé. Je tire ma chaise, et rallume le moniteur avant de connecter mon porygon. Je sais plus ou moins comment je vais régler le problème, mais ça ne m’enchante pas. Il y a quelques mois, des portions de code libre d’ID :err ont été transmises en correctif par la Sylph. Jusqu’à maintenant je n’en avais pas besoin car les parties concernées fonctionnaient à peu près normalement. Mais avec le dernier bug, elles vont être utiles. Je vais devoir les remettre manuellement, ligne par ligne, à la place des anciennes. Un travail long, fastidieux, pénible. Je me le serais volontiers évité. Mais là, je n’ai pas vraiment le choix, je ne peux pas laisser la situation durer éternellement. En plus, remettre ces lignes peut aussi me permettre de les optimiser un minimum au passage pour qu’il fonctionne avec plus de fluidité.
    Je prends une longue inspiration, comme un plongeur avant une apnée prolongée, et commence la longue réécriture.
    Dehors, les heures passent, le peu de lumière qui entre dans la pièce s’assombrit. Mes yeux et mes poignets sont fatigués, mais je continue de fixer le moniteur, et j’enchaine les lignes, souvent un peu réajustées. Ce travail à la chaîne est abêtissant. Je passe en revue tout le système d’autodiagnostic, calibre les scanners à nouveau, fixe les minimas un peu plus finement qu’avant…
    Le réceptacle du projet Maru demeure dans son immobilité sibylline, rien ne laisse soupçonner que je suis en train de remuer ses viscères numériques.
    Enfin, la dernière ligne est ajoutée. Il est déjà tard. C’est le moment de vérité. Je déconnecte ID :err du moniteur, le rappelle dans sa pokéball. J’attends quelques instants, le doigt sur le bouton d’activation. Puis je lance la ball. La lumière jaillit dans la cabane mal éclairée, et mon Porygon atterrit lourdement sur le sol.  Je retiens mon souffle une seconde.

    « Bonjour, Heidy. », parvins-je enfin à prononcer, toute la tension d'un mois de travail dans la voix.

    « IDENTIFICATION : ERROR »

    Je grogne de contentement, presque prêt à sauter sur place. Jamais je n’ai été aussi heureux d’entendre ce cri agaçant. Je file au moniteur, active le flight assist, qui, égal à lui-même, s’est déconnecté sans raison apparente. Id :err se met à léviter doucement. Satisfait, profondément satisfait, j’en profite pour aller prudemment caresser la tête de mon Pokémon, surpris moi-même par cet élan d’affection. Les yeux d’ID :err pivotent pour suivre ma main, signe que la calibration des scanners est correcte. Du doigt, je suis pensivement les arrêtes de la carcasse du porygon, m’arrêtant sur la texture différente des plaques remplacées, là où le nosférapti a mordu. A ce moment, ID :err pivote sur lui-même à 180°, comme si le contact lui avait déplu, bipe rageusement, et accélère à grande vitesse vers le plafond, contre lequel il se cogne.
    Certaines choses ne peuvent pas changer aussi simplement, bien sûr…
    Je rappelle mon pokémon, et, particulièrement fatigué par le fastidieux travail que je viens d’abattre, vais me coucher.

    Pas de temps à perdre aujourd’hui. Je retourne à la Morna.
    Je prends de solides vêtements de marche, et enfile par-dessus la blouse déjà abîmée par ma dernière expédition. Cette fois-ci, je ne serai pas aussi idiot que la fois dernière. Je fouille dans mes cartons pour retrouver quelques doses d’antidote à la nosfératoxine en capsule, que je mets dans ma poche à dissection. Je vérifie les piles de la lampe, prends à nouveau le sac de spéléologie, et pars vers Tarme. Il me faudra un peu plus de matériel, cette fois ci, pour ne pas reconduire la catastrophe de la fois dernière. Après tout, avec l’article que je viens d’envoyer, je peux raisonnablement m’attendre à quelques versements supplémentaires. Je ne peux pas me permettre de voir petit pour ma recherche. Les nosféraptis ont toujours été mon fonds de commerce. Avec le début du printemps, je serai moins pressé par l’heure cette fois-ci.
    Une fois en ville, je vais directement à la boutique de randonnée. Je remarque sur l’enseigne un gros montagnard souriant, juché sur le dos d’un onix sympathique. La boutique s’appelle « prêt pour le Lossë !». Je n’y avais pas fait attention la fois dernière.
    J’entre. Le vendeur me reconnait, et il m’accueille avec bonhomie, me demandant comment se sont déroulées mes expéditions. Je réponds très évasivement, cherchant autour de moi du matériel supplémentaire qui reste relativement bon marché. Je prends une lampe frontale de secours, des gants solides, des protections pour les coudes et les genoux ainsi qu’un coupe-vent robuste. J’avise du regard une trousse de premiers soins, qui en fait ne me semble pas une si mauvaise idée, et l’ajoute au reste. Je règle le type, qui a l’air très content d’avoir mis la main sur un client régulier. Il en profite pour me refiler une carte de fidélité, qu’il tamponne et que je froisse dans ma poche en sortant. Je passe en revue le reste du matériel dont je pourrais avoir besoin. Pour éviter les déconvenues, quelques repousses pourraient être utiles, en fait… Mais je ne me souviens pas en avoir vu au pokéshop. En outre, je ne suis pas si pressé de retourner dans cette boutique miteuse. Je vais donc directement à la mairie, pour chercher un covoiturage. Comme il est tôt, une fois de plus, j’ai l’impression de revivre la scène de la fois dernière. Le balayeur, toujours aussi vif qu’un ronflex neurasthénique, remarque à peine ma présence. L’hôte d’accueil est à son bureau, cette fois-ci il n’a pas de café pour s’ébouillanter. Je m’accoude au guichet.

    « Bonjour Monsieur », me répond le jeune type sans lever les yeux de son ordinateur.

    « Bonjour. Je  souhaite un covoiturage pour la route 12.»

    « Bien sûr Monsieur, une petite seconde, je vais regarder ce qui est proposé. »

    L’hôte d’accueil tapote sur son clavier quelques secondes, puis fronce les sourcils. Quelques secondes s'écoulent avant qu'il ne se décide à reprendre sa frappe, toujours trop absorbé pour me lancer le moindre regard. Enfin, ils se décide à reprendre la parole.

    « C’est curieux, j’ai l’impression qu’il n’y a pas de covoiturage prévu avant cet après-midi vers la route 12. Je suis navré… »

    « Oh. J’ai besoin d’y aller plus tôt que ça. Vous n’auriez pas une solution alternative ? »

    « Euh, je suis désolé», répond le jeune gars sur un ton qui ne parait nullement désolé. «Je ne vois rien, Monsieur. Vous pouvez encore appeler un taxi de l’agence alcéenne. En général ils sont assez rapides pour venir ici. »

    « Combien de temps ? »

    « Oh, dans les deux-trois heures. Leur base la plus proche est à Wilma, mais certains patrouillent de l’autre côté de la forêt en général. »

    Deux-trois heures ! Comme si j’avais ce genre de temps à perdre. Je remercie le secrétaire avec un sourire forcé auquel il répond par un haussement d’épaule désolé tout aussi forcé, et je quitte la mairie.
    Être contraint à l'inaction, voilà quelque chose de rageant. Cette ville a mine de rien les défauts de ses qualités, et son isolement est parfois quelque chose de pénible. Faute d’avoir mieux à faire, je reprends ma marche dans Tarme que je commence à connaître plutôt bien. Le temps est assez gris, et cette grisaille se reflète sur les murs de la ville aux toits ternes que la neige a commencé à quitter. Je descends la grand-rue, traversant les petits ponts de pierre comme si je m’apprêtais à rentrer chez moi, mais bifurque alors dans l’autre direction, pour longer la ville par l’extérieur. Je réfléchis à mes options. Traverser à pied serait sans aucun doute une très mauvaise idée, et me ferait perdre encore plus de temps, d’autant plus que je suis loin de connaître assez bien les bois Aldéa. Sans guide, c’est plus ou moins peine perdue. Je pourrais essayer de demander au gars de l’impasse des belles congères, mais je me méfie de ses questions s’il comprend que je retourne à l’antre de la Morna après la catastrophe de la fois dernière.
    Pensivement, je suis un chemin pavé qui s’éloigne un peu plus de la ville, bordé par le bois à gauche et à droite, que je n’ai jusqu’à maintenant jamais emprunté. Au bout se dresse un imposant manoir visiblement très ancien, probablement la construction la plus vieille de la ville. Il est assez délabré et relativement mal entretenu. Certaines de ses vitres sont barrées de planches de bois, là où sans doute des carreaux ont été cassés. Il manque des tuiles sur le toit, et les haies qui masquent une partie de la cour sont hirsutes et mal taillées. La pierre massive des murs est sale et noire par endroits. Je repère sur les grilles qui en interdisent l’accès le sigle de la ligue d’Alcéa. Il s’agit donc de l’arène de la ville. Un absol intimidant forgé sur la porte complète l’ensemble. Il n’y a pas signe de vie, tout semble éteint à l’intérieur. Le champion local doit être absent. Avec un peu d’agacement, je remarque une voiture parquée dans la cour du manoir, couverte par une bâche. J’en aurais bien eu besoin. Je fais finalement demi-tour, me faisant la réflexion qu’une telle demeure ne serait pas un mauvais départ pour un laboratoire de grande envergure, repensant avec un peu de nostalgie à celui de Cramois-île.
    Je continue mon contournement de la ville, arrivant finalement sur la grand-rue, là où elle s’engouffre dans la forêt en direction de la Civilisation de l’autre côté. Avec un vague espoir, je regarde la route qui s’enfonce entre les arbres, comme si un véhicule providentiel allait en sortir. Mais rien. Je reprends mon errance, cette fois-ci vers le quartier résidentiel de Tarme. Je longe la rue des farfurets quelques minutes, avant de trouver la place des grêlons. Une jolie place, avec la statue d’un homme en costume du XVIIème siècle au visage sérieux et aux traits secs. Je m’approche pour l’étudier d’un peu plus près, toujours vaguement perdu dans mes pensées. Le travail sur la pierre blanche est fin, on sent qu’il a été confié à un artiste de talent. Avec la fontaine de l’autre place, c’est un peu le seul effort d’urbanisme esthétique dont la ville fait preuve.
    Assez vite, je me désintéresse de l’orgueilleuse statue, ayant repéré la fameuse boulangerie de Tarme, Four & Farine. Les croissants et les baguettes s’entassent dans la vitrine. Il y a une longue file devant, et je repère un commis de la cambuse de la keunote dodue sortir d’une autre porte, un sac de viennoiseries dans les bras. Une odeur appétissante de pain en train de cuire m’assaille les narines et réveille doucement ma faim. J’hésite un instant à faire la queue derrière deux jeunes gens un peu étranges, en blanc de la tête aux pieds en passant par les cheveux, avant de décider que je n’ai décidément pas la patience et qu’il faut activement que je me remette à la recherche d’un moyen de transport.
    Une idée se fait soudain jour dans mon esprit. Sans doute que je ne suis pas le seul dans la ville à avoir besoin de mon propre véhicule. Et je pense connaître une personne qui doit savoir à peu près bien comment faire des allers-retours avec l’extérieur, si je ne me trompe pas sur son compte. Je rebrousse chemin vers la grand-rue, et, quelques minutes plus tard, entre dans la cambuse.

    Une musique peut-être encore plus farfelue qu’à l’accoutumée m’attend dans le restaurant, rempli de ses habitués du matin en train de parcourir la feuille de chou de Tarme devant leur assiette de charcuterie. Bidou, chassé du bar par les clients qui y boivent leur café, est allongé de tout son long et son large sur un coin de tapis près du four. L’imposant Émile est affairé de l’autre côté du comptoir, mais m’adresse un signe de tête enjoué. Depuis quelques temps, je suis immunisé à ses railleries et à son langage.

    « Bonjour, Emile. »

    « Salut mon p’tit pote ! T’as pisté l’gamin pour les croissants ? »

    « En fait, j’avais une question à vous poser», dis-je en m'accoudant au comptoir à côté d'un type à la tête de paysan un peu rustre et à la barbe touffue.

    « Bah vas-y, tire-moi les vers du tasseau, je t’affranchirai si je peux. »

    « Je dois me rendre à la route 12 avant l’après-midi, mais il n’y a pas de covoiturage. Vous savez peut-être où je peux trouver un véhicule, à louer peut-être ? »

    « Ah ! Le carrosse de papet a enfilé la venelle ! »réplique Emile, enjoué. Quelques clients esquissent un sourire, sans décoller de leur café.

    « Esgourde, papet, comme t’es un bon camarluche et un clille pis bonnard encore, même si des fois faudrait tailler un peu la poutre que t’as dans la contrebasse, j’vais te donner la pogne. »

    Rires un peu plus francs de la part des types au comptoir. Emile fouille derrière le comptoir, et sort une clé qu’il plaque bien fort de sa grande main sur le bar. En réponse au bruit, Bidou se met à couiner.

    « Voilà mon p’tit pote, c’est pour toi. C’est pas maous mais ça fait le turbin. T’en feras l’plein et on sera quitte. »

    « Oh, c’est très aimable, mais je ne connais pas encore bien le bois… »

    « Aze me foute si t’arrive à t’perdre avec le dégel. C’est du billard, t’as qu’à rester dans les traces de pneu.»

    « Merci… »

    Je tends la main vers la clé, quand Emile claque à nouveau sa main dessus. J’aperçois du coin de l’œil un Bidou énervé par le bruit trottiner rageusement vers le coin opposé du magasin, se cognant dans les jambes des clients qui pestent à son intention.

    « Sur le trimart, tu prends à gauche jusqu’au parking. De là c’est nanan, tu cherches la chignolle aussi bien foutue qu’une entorse, pis celle qu’es encore plus tarte, et tu seras bon. »

    « Eh, Emile, je t’emmerde, elle est pas si mal ma caisse ! » se vexe le barbu, qui visiblement a déjà opté pour autre chose que du café.

    « Ben copain, si c’était du flan t’aurais pas grillé que je causais de ton tacot !», répond le patron du tac au tac, aux anges d'avoir quelqu'un à asticoter.

    « Tu parles ! Il n’y a jamais que deux bagnoles sur le parking, vas pas comparer ta poubelle avec mon Galopa. »

    «  Ben tiens, c’est une rosse aux pommes ton Galopa ! »

    « Merci Emile, je vous la ramène ce soir », parvins-je à placer en prenant la clé sur le comptoir entre deux coups du plat de la main du géant, tout à sa joute verbale, qui me répond d’un clin d’œil appuyé.


    Je sors du restaurant, ravi du bol d’air frais qui m’y attend. Comme quoi, on a beau s’habituer, certaines choses travaillent quand même les nerfs. Après, je ne peux pas nier que c’est inattendu, ce genre de confiance. Je vais jusqu’au parking, et comprend un peu mieux pourquoi quand je reconnais la « voiture » d’Emile, effectivement garée à côté de celle de l’autre client. Encore celle du client n’est pas géniale, un modèle un peu vieillot, exigu et sans classe, autant celle d’Emile est hors catégorie. Jamais je n’ai vu guimbarde aussi mal traitée et minable. Une Doduomobile deux-ponytas-vapeur de tôle, sans doute passée de génération en génération, qui aurait eu sa place à débattre entre l’antiquaire, le musée et la décharge. Une tâche d’huile douteuse s’étend sous le radiateur, les rétroviseurs ont été bricolés avec des miroirs de salle de bain et le pare-brise est rafistolé au scotch marron. Quand à l'unique phare restant, il a l'air cassé. Je comprends pourquoi Emile m’a fait confiance. Si je venais à lui voler, l’assurance serait sans doute une bien meilleure affaire pour lui que de garder cette guimbarde.
    J’ouvre la portière, qui se claque bruyamment quand je m’installe derrière le volant squelettique qui a quand même réussi à devenir plus famélique encore avec l’âge. Les sièges fatigués protestent qu’on veuille s’asseoir sur eux. A l’intérieur règne une odeur indescriptible de vieux qu’on ne pourrait pas attendre du tombeau d’une momie. Je n’ai même pas besoin de démarrer pour sentir un courant d’air virulent traverser le fossile roulant de part en part. Je mets le contact, entends le moteur tousser, et m’y reprends à cinq fois avant qu’il ne se lance, ébranlant la carrosserie qui se met à vibrer comme un marteau-piqueur, le tout dans un vacarme infernal. Je me dépêche de quitter le parking, par peur de m’attirer les plaintes du voisinage, et pas tout à fait sûr de pouvoir démontrer à un éventuel ranger que la bête a bien le droit de rouler. La Doduomobile tourne comme un linéon, malheureusement à une vitesse qui rappelle plus un caratroc peu pressé. J’ai presque honte d’être au volant de cette chose, mais après tout, je ne peux pas vraiment faire le difficile. Il faut bien que j’aille à la Morna, et le « coup de pogne » d’Emile vient de m’éviter de perdre une journée. Je traverse Tarme en pétaradant, et m’engouffre dans le bois Aldéa.
    La route crevassée et boueuse met le vieux clou à rude épreuve, et ses suspensions raides malmènent mon dos à chaque cahot. A chaque tournant je suis pris de frayeur à l’idée que le moteur ne cale, que la carcasse ne décide enfin de rendre l’âme ou ne s’embourbe sans rémission. Mais pour le moment, ça va encore. En revanche, Emile avait raison. En cette période de l’année, le chemin pour traverser le bois est assez clair, marqué dans la boue, les ornières des voitures ne laissant pas de doute sur la route à suivre. Ce doit être une autre histoire en été, et je me souviens du labyrinthe insondable que ça semblait être en hiver. Une bruine fine a commencé à tomber, et je sens que l’intérieur de la Doduomobile ne sera sans doute pas longtemps épargné par l’humidité.

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