À L'ENTRAÎNEMENT SUR LES RÉCIFS. - Partie II

Le jour s'était levé, enfin ! Duncan n'était décidément pas une créature de la nuit. Ses yeux n'étaient pas fait pour détailler ce qui l'entourait à ces heures sombres, et la lumière de la lune - si certains Pokemon la trouvaient vivifiante - faisait naître en lui une morne lassitude. Les rayons du soleil au contraire ramenaient son humeur au beau fixe. Et bien que l'astre se montrât encore timide, légèrement embrumé et réchauffant difficilement la brise marine, il n'en demeurait pas moins revigorant et rassurant.
Il en avait pour preuve son avancée dans les écueils ; flageolante et maladroite quand il marchait sur les talons de Kenshîro, la vue plus dégagée qui s'offrait maintenant à lui permit au Pikachu de maintenir une bonne allure. Lorsqu'ils s'étaient aventurés quelques heures plus tôt au milieu de ces rochers accidentés et glissants, il avait plus d'une fois manqué de perdre son dresseur. Frigorifié, la vision restreinte, ce parcours lui avait semblé un véritable chemin de croix. À présent, le rongeur bondissait de roc en roc, évitant les pierres noires qu'il jugeait trop glissantes quand elles présentaient une mousse sombre sur toute leur surface doucement réchauffée par la lueur du matin.

Lorsqu'il arriva en vue de l'endroit où il avait quitté Martel et Kenshîro, le rongeur se dressa sur ses pattes arrières, cherchant des yeux les silhouettes de ses deux compagnons. Il reconnu le rocher éclaté sous l'impact de l'attaque du Prismillon. Ils ne devaient pas être loin.
Au-dessus de lui, les Goelise s'étaient réveillés. Leurs cris emplissaient l'air, croassants mais pas désagréables. Leurs juchoirs, le long de la falaise, étaient pleins. Les oiseaux allaient et venaient, flottant au-dessus des flots, fouillant dans les rochers, puis revenant se percher, bousculant leurs camarades pour se trouver une place.
Duncan pouvait à présent voir que la roche noire de la plage était saupoudrée de plumes blanches, ce qui lui donnait l'allure marbrée d'une peau brillante de Zebibron. L'odeur de marée était plus forte aussi, ce qui lui fit légèrement tourner la tête. Le rongeur baissa les yeux sur les bandages qui couvraient ses pattes. Avec un petit sourire, il constata que le réchauffement du tissu sur ses muscles lui avait fait du bien. Ses articulations n'étaient plus aussi douloureuses, et il se sentait à même d'entamer un nouvel entraînement.

C'est finalement les gazouillements de Martel, à peine audibles au milieu des cris des Goelise, qui attirèrent l'attention du Pikachu. Tendant ses longues oreilles qui frémirent en cherchant la bonne direction, Duncan suivit la trace de ces sons. Il dût escalader quelques écueils imposants ; sans doute Kenshîro avait-il voulu prendre de la hauteur pour avoir une meilleure vision de la plage et des créatures qu'elle renfermait. Au détour d'une saillie dans la falaise, il les aperçut enfin. Le dresseur et son Prismillon n'étaient pas seuls. Un autre Pokemon était présent. Et visiblement, il s'agissait d'un Pokemon sauvage.
Duncan serra les dents, replaça la lanière du sac autour de son cou, et repartit au galop, espérant que son ascension vers les hauteurs où se trouvait le petit groupe serait suffisamment facile pour qu'il atteigne ses compagnons avant que Kenshîro ne déclenche un combat.

À L'ENTRAÎNEMENT SUR LES RÉCIFS. - Partie II

Kenshîro lut tranquillement la description que le Pokedex affichait. Ils avaient affaire à une créature apparemment brutale, mais dont le trait principal se résumait à une impressionnante robustesse. Quoiqu'il en soit, son adaptabilité pouvait être au summum de l'évolution, elle ne lui permettrait cependant pas de résister à une attaque de Martel.

"Bien." dit le jeune homme en tapotant sur son ordinateur de poche, faisant apparaître les notes qu'il possédait sur son Prismillon. "Je pense que celui-ci est à ta portée, Martel. Voyons si tu tiens tes promesses."
Un sourire hautain et tout à fait exécrable se dessina sur les lèvres du garçon. Mais le Pokemon insecte, loin de juger les paroles méprisantes de son maître, parut au contraire ravi que ce dernier s'intéresse à lui. Prêt à répondre à tous les ordres que Kenshîro voudrait bien lui donner, Martel voleta vers le crustacé qui faisait méchamment claquer ses pinces en signe d'avertissement. Le Prismillon ne tint pas compte de la menace, et attira la créature un peu plus loin, pour être certain de ne pas blesser son dresseur.

Ignorant la présence de Duncan qui escaladait encore les écueils dix mètres plus bas, le jeune homme étudia les attaques de son combattant. Pour la première fois depuis son départ, Kenshîro se sentait confiant. Martel lui avait fait la démonstration de ses pouvoirs, et le dresseur se sentait à présent en sécurité avec lui. Il pensa amèrement à tout l'argent qu'il avait dépensé pour faire l'acquisition de son Pikachu ; quel gâchis ! Il pensait récupérer un combattant émérite, sans savoir que la souris électrique n'était qu'une pousse de champion, qui avait besoin d'être entraîné comme n'importe quel autre Pokemon. Un gâchis, et une effroyable perte de temps. Martel serait bien plus à même de l'aider à avancer. C'est en se répétant ces pensées que le jeune homme finit par relever le nez de son Pokedex. Le Prismillon dansait autour de son adversaire, et ce dernier se montrait de plus en plus énervé, faisant claquer ses pinces en l'air avec colère pour tenter d'attraper le Pokemon volant. Mais toujours en vain.

"Parfait, Martel. Tu vas utiliser à nouveau ton attaque Survinsecte. Et essaye de mieux viser cette fois-ci."

À L'ENTRAÎNEMENT SUR LES RÉCIFS. - Partie II

Duncan stoppa son ascension pour observer le combat. Si du moins l'on pouvait qualifier cela de combat...
Il suffit d'une passe. Une simple passe. L'Ecrapince n'eut pas le loisir de refermer ses étaux sur les ailes battantes du Prismillon ; Martel s'était soudain élevé de quelques mètres, la lueur verdâtre avait englobé ses antennes, puis l'attaque était partie. D'innombrables petits rayons, comme des guêpes furieuses, jaillirent de la lumière pour se déployer et fondre sur l'adversaire. Cette fois encore, la technique manquait de précision, frappant la roche tout autour du crustacé sur trois bons mètres de diamètre. Mais certains d'entre eux partirent suffisamment droits pour frapper Ecrapince de plein fouet. Le Pokemon sauvage, écrasé sous le poids de l'impact, demeura inerte après le choc.

Duncan fronça les sourcils, puis reprit sa marche pour sauter sur les quelques pierres qui le séparaient encore de son dresseur. Arrivé à ses pieds, il tira doucement sur sa jambe de pantalon. Kenshîro baissa un œil satisfait et désespérément arrogant sur son Pikachu.

"Te voilà enfin ?" raillât-il. "Je crois bien que le rôle de coursier ne te sied pas plus qu'un autre."
Ignorant ces paroles mordantes, Duncan ôta le sac de son dos pour le déposer devant son dresseur. Ce dernier le ramassa, rangea les Pokeball et la monnaie qu'il contenait, puis son regard se fixa sur les bandes qui entouraient les bras de son rongeur. Fronçant les sourcils, le jeune homme plongea un œil sévère dans ceux du Pikachu. La souris, rassérénée, ne se démonta pas, bravant le reproche silencieux. Serrant ses petits poings, faisant crépiter ses joues, Duncan signifia à son maître qu'il était prêt à se battre. Mais Kenshîro ne l'entendait pas de cette oreille.
Avec un soupir méprisant, le dresseur se détourna de son starter, prit en main l'une des Superballs nouvellement acquise, et se retourna vers l'Ecrapince. Du moins... la roche où se tenait Ecrapince quelques secondes plus tôt.

"... ... ... Martel ! Qu'as-tu fais, bon sang ! Tu ne l'as pas retenu ?!"
Entendant son nom, le Prismillon bondit de joie dans les airs, tournoya sur lui-même en gazouillant, et vint se poser docilement aux pieds de Kenshîro. Le garçon chercha encore quelques secondes le crustacé du regard, mais il comprit bien vite que c'était peine perdue. Une vague de colère s'empara alors de lui.

"Vous ne valez pas mieux l'un que l'autre !" rugit le dresseur avant de se détourner, furibond, et de redescendre avec hargne la pente rocheuse.
Martel perdit son sourire, et tourna un visage désemparé vers son compagnon le rongeur. Que se passait-il ?! Pourquoi Kenshîro s'était-il si soudainement fâché ? Mais Duncan se contenta de hausser les épaules avec exaspération, caressa la tête du Prismillon pour le réconforter, et partit à la suite de leur maître.

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Cherchant rageusement une nouvelle proie à capturer, Kenshîro redescendit de quelques mètres sur les écueils, fouillant du regard chaque creux dans la roche qu'il croisait. Les rayons du matin commençaient à se réchauffer, aussi le jeune homme fit rapidement halte pour retirer son blouson et ne garder qu'une veste sur son tee-shirt. La pierre humide brillait sous ce jeune soleil comme du goudron au plus fort de l'été, ce qui offrait une cachette parfaite aux crustacés qui vivaient ici. En effet, leur carapace luisante dissimulées dans de sombres cavités ressemblaient à de petits rochers polis.

Ce n'est finalement pas au cœur des récifs que le dresseur découvrit ce qu'il cherchait ; alors qu'il se rapprochait de la plage, une forme mouvante attira son regard. C'était encore un Flingouste, cette espèce de grosse crevette bleue, qui se traînait mollement hors de l'eau. Ragaillardi, le jeune homme jeta un coup d’œil en arrière pour s'assurer que ses Pokemon n'étaient pas loin. Duncan était sur ses pas, et observait lui aussi le crustacé, une lueur de défi dans le regard. Martel volait juste derrière lui et, quand il s'aperçut que Kenshîro le regardait, afficha un sourire timide.
D'un geste impérieux, le jeune homme ordonna à ses Pokemon de s'avancer. Tous d'eux s'approchèrent alors du Flingouste, mais Kenshîro s'empressa de barrer la route à son Pikachu, plaçant devant lui son sabre encore dans son fourreau. Le rongeur lui lança un regard meurtrier que son dresseur ignora avec dédain.

"Martel, je veux capturer ce Pokemon. Tu vas me faire le plaisir de commencer par l'affaiblir, maintenant !"
Observant tour à tour Duncan, puis son maître, le Prismillon sembla hésiter. Mais un hochement de tête amer de la part du Pikachu le décida, et l'insecte se retourna vers son nouvel adversaire. Ses antennes frémirent pour étudier la direction du vent. Martel vint se placer sur un courant marin qui se leva à cet instant, et déploya sa poudre d'écailles.

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Le Flingouste ne faisait même pas mine de s'intéresser aux êtres présents sur la rive. Il se hissa sur un rocher, adressa un regard peu intéressé à l'humain et aux deux Pokemon, avant de reprendre sa route. La brise porta cependant jusqu'à lui la poudre anesthésiante et, sans que le crustacé ait le temps de comprendre ce qui lui arrivait, ses pattes s'alourdirent et cédèrent sous son poids. Se roulant en boule dans sa carapace, la créature sauvage n'offrait à présent aucune résistance.

"Parfait !" constata Kenshîro avec satisfaction. "À présent, il faut l'affaiblir. Voyons."
Tandis que le jeune homme étudiait à nouveau les techniques du Prismillon, Duncan échangea avec ce dernier un regard complice. Puis ils observèrent le Flingouste endormi. Martel s'approcha du crustacé, tâta sa carapace luisante du bout de la patte, mais le Pokemon semblait profondément endormi. Le Pikachu pencha la tête de côté, se demandant si leur maître savait vraiment ce qu'il faisait. Il avait décidé de capturer ce Pokemon sur un coup de tête, simplement pour "varier son équipe", mais il n'avait même pas pris le temps d'étudier le caractère de la créature avant. Ce Flingouste pouvait être effroyablement violent, ou totalement inapte au combat, que pouvaient-ils en savoir ?
Cependant, le sabre dressé comme une barrière devant lui décida le rongeur à ne rien dire. Que Kenshîro fasse des erreurs, encore et encore ! Et si ce nouveau compagnon ne lui convenait pas, il n'aurait qu'à s'en prendre à lui-même.

"C'est ça ! Martel, utilise une attaque Tornade."
Le Prismillon ne se fit pas prier. Reculant pour pouvoir doser sa technique, l'insecte commença à battre des ailes plus rapidement, concentrant les courants frais qui l'entouraient en une bourrasque qui vint frapper directement le Pokemon endormi.
Le Flingouste, toujours en boule, vola dans les airs. Kenshîro attrapa l'une des nouvelles balls que Duncan lui avait apportées, et l'envoya en direction de sa proie.

À L'ENTRAÎNEMENT SUR LES RÉCIFS. - Partie II

Kenshîro laissa échapper un petit rire de satisfaction en voyant la ball remuer à peine, puis s'arrêter. Il libéra enfin Duncan de la pression de son sabre et descendit tranquillement récupérer son trophée. Le Pikachu secoua la tête, échangea un nouveau regard avec Martel qui s'était rapproché en voletant, puis tous deux observèrent leur dresseur.
Ce dernier se pencha pour attraper la SuperBall. Il l'observa quelques instants, réfléchissant au nom qu'il allait donner à cette créature. D'un coup d’œil sur son Pokedex, il appris que son nouveau Pokemon était une femelle.

"Hm. Tu vas donc t'appeler Sybille." lâcha-t-il tel un ordre, en appelant la créature à se matérialiser devant lui.
La Flingouste apparue à ses pieds, réveillée à présent. Ou presque. Son regard embrumé ne laissait deviner qu'un esprit somnolant. Mais Kenshîro ne fit pas mine de s'y intéresser plus que de raison. Se tournant vers ses deux autres Pokemon, il lança :
"Expliquez-lui ce qu'elle va devoir faire à présent. Nous retournons vers la plage."
Et sans rien ajouter, le jeune homme se détourna pour suivre les écueils vers la plage de sable.

Affligé, Duncan s'approcha de leur nouvelle partenaire en compagnie de Martel. Affichant un sourire gentil, le Pikachu lui adressa un petit cri de sympathie. Mais la crevette resta de marbre, son regard toujours perdu droit devant elle. Intrigués, les deux Pokemon tentèrent d'attirer son attention en passant devant elle ou exerçant une légère pression sur sa carapace. La nouvellement nommé Sybille finit par leur adresser un coup d’œil inattentif, avant de tourner lentement sur elle-même, se posant sur le rocher comme pour se laisser cuir par le soleil. Un léger bruit de bulles accompagna sa semi-somnolence alors que ses yeux jaunes perdaient à nouveau toute trace de conscience.
Duncan et Martel se regardèrent. Après un soupir, le Pikachu prit son courage à deux mains, agrippa des deux bras la Flingouste pour la soulever tandis que le Prismillon l'aidait en la tenant par les antennes, et tous trois firent ainsi route pour rattraper leur dresseur.

À L'ENTRAÎNEMENT SUR LES RÉCIFS. - Partie II

Quelques badauds avaient commencé à rejoindre la plage, bien que le temps soit encore un peu trop frais pour songer à la baignade. Kenshîro lança sur ces quelques vacanciers égarés un regard hautain. À l'orée des écueils agressifs, le dresseur hésita à aller plus loin. Il n'avait aucune envie de se mêler à ces personnes oisives. Seule la soif l'avait poussé à s'éloigner de son terrain d'entraînement, et il comptait bien faire marche arrière au plus vite.
Le jeune homme avança lentement, recoiffant d'une main ses cheveux que le vent du matin avait rendus indisciplinés. Balayant la plage du regard, il finit par apercevoir ce qu'il cherchait : une petite gargote de bord de mer. Plongeant une main dans sa poche, le garçon compta du bout des doigts les fonds qui lui restaient pour la journée. Le soleil promettait de taper fort, aussi valait-il mieux qu'il prévoie suffisamment de boissons pour ses Pokemon et lui-même. Il acheta donc quelques sodas, paya, et fit demi-tour rapidement.
Il retrouva sa petite équipe au bord des rochers, sagement installés au sol en attendant son retour.

"Alors ?" questionna-t-il Duncan en fixant la Flingouste. "Est-ce que cette chose compte se soumettre sans faire de vagues ?"
Le Pikachu lui répondit d'une grimace un brin irritée. Comment faire comprendre à Kenshîro que la soumission ne serait certainement pas son plus gros soucis avec leur nouvelle partenaire ? Bah, qu'importe ! Le dresseur le découvrirait bien par lui-même. Le rongeur se contenta donc de hocher la tête. Le fils Kiriyama eut un reniflement satisfait et tendit une boisson à Martel et à Duncan. Puis il s'accroupit pour faire face à la grosse crevette bleue, la fixant avec la plus grande attention.
Sybille ne cilla pas. Elle leva un regard inexpressif sur son nouveau maître, ses petites mandibules remuant mollement comme si elle était en train de mâchonner quelque chose. Kenshîro eut une grimace de dédain. Cette créature n'était pourvue d'aucune élégance, et son allure lui faisait presque penser à celle de ces insectes répugnants qu'il méprisait tant. Mais enfin, si elle savait se battre... C'est tout ce que le dresseur attendait d'elle.

Alors qu'il se faisait ces réflexions en baissant les yeux dans son sac pour attraper une autre boisson à offrir à sa nouvelle conquête, le jeune homme eut à peine le temps de percevoir un froissement rapide accompagné d'un crissement de sable. Lorsqu'il releva le nez, la Flingouste s'était déjà éloignée de plusieurs mètres, lancée à toute vitesse sur les rochers glissants qu'elle escaladait aisément.

"Qu'est-ce que... Hé !" s'exclama le dresseur en jetant son sac sur son dos pour s'élancer à la poursuite de son Pokemon.
Duncan sauta sur ses pattes, en alerte. Il abandonna sa boisson presque vide pour courir après son maître, poussant un petit cri inquiet. Quelle idée de s'enfoncer à cette vitesse en territoire sauvage ?! Kenshîro était-il devenu fou ? Pendant qu'il bondissait de roc en roc, le rongeur entendit le froissement des ailes de Martel le rattraper. Le Prismillon avait ramassé toutes les boissons et voletait en gazouillant, persuadé que tout cela n'était qu'un jeu. Devant eux, leur dresseur suivait la crevette avec une agilité certes impressionnante, mais dénuée de toute la prudence dont il avait fait preuve quelques heures plus tôt.
C'est ainsi que Duncan aperçu la silhouette rouge du Pokemon sauvage qui s'était brusquement extrait de sa cachette, prenant l'humain pour cible. Le Pikachu redoubla d'efforts, glissant sur les rochers, plantant ses griffes dans la mousse pour rattraper juste à temps le garçon sur lequel fondait ce nouvel adversaire.

À L'ENTRAÎNEMENT SUR LES RÉCIFS. - Partie II

Kenshîro se redressa, agacé, portant dans ses bras la Flingouste qu'il avait enfin rattrapée. Sybille, à présent que l'étau des bras de son nouveau maître s'était refermé sur elle, la soulevant du sol, avait perdu brusquement toute la vivacité de la machinerie nerveuse de son corps cuirassé, et pendait à présent mollement dans l'étreinte du jeune homme. Ce dernier remarqua, incrédule, que la créature ne lui présentait aucune résistance, comme si elle n'avait été rien d'autre qu'un vulgaire sac glougloutant et dégoulinant de la vase dans laquelle elle s'était traînée.

"Par les Griffes du Darkrai ! Es-tu folle, maudite bête ?!" s'écria-t-il en retournant et soulevant la Flingouste pour la tenir à bout de bras et la foudroyer du regard. "Tu es à moi, tu entends ? À moi !"

Mais le crustacé au regard flou ne lui répondit que d'un affaissement supplémentaire faisant terriblement penser à un long soupir. Atterré, le dresseur s'apprêtait à secouer son Pokemon avec rage quand un bruit étouffé de galopade résonna derrière lui. Il se retourna vivement, apercevant juste à temps le Pikachu qui déchargeait un éclair aveuglant dans sa direction. Kenshîro resta tétanisé, persuadé sans avoir le temps d'y réfléchir que cette attaque lui était destinée.
La décharge électrique explosa à quelques pas de lui, obligeant le corps du jeune homme à réagir instinctivement en protégeant son œil de son bras, lâchant la Flingouste qui se roula en boule à ses pieds. Lorsque la lueur disparut, le dresseur mit plusieurs secondes à oser regarder l'endroit de l'impact. À une cinquantaine de centimètres de lui gisait le corps inanimé et fumant d'un énorme Ecrapince.
Duncan dépassa sa proie, se jetant sur la jambe de pantalon de son maître pour tirer dessus, cherchant à attirer le regard de l'humain pour s'assurer qu'il allait bien. Son petit cœur de rongeur, rendu fou par la course, peinait à se calmer dans sa poitrine.

"D-Duncan ? C... c'est... ?" balbutia le garçon sans quitter de l’œil l'imposante silhouette de la créature qui l'avait pris pour cible quelques secondes plus tôt.
Le Pikachu, oreilles dressées, tendu par le ton incertain de son dresseur, observait tour à tour ce dernier, puis l'Ecrapince. La réaction de Kenshîro lui parvint enfin. Très différente de ce qu'avait attendu le rongeur : le jeune homme partit soudain d'un rire victorieux qui glaça le sang de son compagnon et hérissa le poil sur son échine. Le rire de l'humain ne plaisait pas du tout à Duncan...

À L'ENTRAÎNEMENT SUR LES RÉCIFS. - Partie II

Duncan fut soulevé de terre. Les doigts du garçon refermés sur ses côtes lui donnèrent une désagréable sensation qui hérissa sa fourrure tandis qu'un frisson remontait le long de son dos. Un désagrément toutefois incomparable à l'inconfort que fit naître en lui la lueur dangereuse qu'il put lire dans le regard de son maître. Kenshîro affichait un sourire féroce, tel que le rongeur ne lui avait jamais vu. Et pour cause...
Le jeune homme, pour la première fois depuis son départ, se félicitait de sa décision. Toutes ses craintes, ses incertitudes semblaient soudain avoir été balayées. Il pouvait toujours les sentir non loin, prêtes à revenir à l'assaut au moindre doute qui se présenterait à lui, mais pour l'heure, le fils Kiriyama se voyait envahi d'un sentiment de sécurité qui lui avait cruellement fait défaut depuis cette nuit fatidique. Duncan s'était débarrassé de la menace avant même qu'il ait pu l'apercevoir. Le Pikachu veillait donc réellement sur lui, comme on le lui avait promis.

Encore bouleversé par l'adrénaline qui avait secoué son corps quand il s'était cru victime de l'attaque de son propre Pokemon, le garçon ne pouvait chasser la tension qui rendait ses mouvements tremblants et maladroits. Il reposa Duncan et resta genou à terre pour lui faire face.

"Si tu m'avais montré ça dès le début, nous aurions évité bien des désagréments." fit remarquer le dresseur d'une voix basse en avançant une main pour caresser la tête de son Pikachu.
Le rongeur ne pouvait quitter des yeux le regard de son maître. Le compliment, comme la caresse, ne lui apportèrent aucune satisfaction, mais seulement une tension supplémentaire. Il aurait bien voulu lui montrer sa puissance plus tôt, mais Kenshîro ne lui en avait pas donné l'occasion, pensa tout d'abord le rongeur. Puis il observa plus intensément le visage de son dresseur...
Le manque de confiance dont l'humain avait fait preuve n'était pas vraiment ce qui le dérangeait - à vrai dire, le rongeur imaginait qu'à l'instant où le jeune homme reconnaîtrait ses capacités, tout irait mieux. Non. Le vrai problème... c'est que Duncan commençait à douter des véritables intentions de son maître. Bien sûr, le Pokemon savait que le possesseur de sa Pokeball était un être tourmenté. Il lui avait suffi de quelques nuits à ses côtés pour entendre son sommeil agité, ses réveils fréquents, sa façon de s'assurer qu'il ne risquait rien avant de se rendormir. Il avait même été surpris qu'on le laisse hors de son habitacle synthétique toutes les nuits, mais Kenshîro semblait vouloir ne jamais être seul. Le jeune homme craignait quelque chose, c'était évident, et c'est aussi l'une des raisons qui avait poussé Duncan à faire des efforts pour repousser les limites de sa patience. Mais cet homme qui se disait dresseur ne partageait pas réellement son but. Quelque chose clochait, et le Pikachu était bien décidé à montrer plus de méfiance à l'égard du garçon.

Kenshîro coupa court à cette introspection. Il rappela vivement sa main à lui pour stopper sa caresse maladroite et se redressa en époussetant ses vêtements. Il poussa du bout du pied la Flingouste roulée en boule qui se trouvait sur son chemin et reprit sa route comme si rien ne s'était produis depuis qu'ils arpentaient les rochers. Martel - qui était resté, trépignant, en retrait pendant l'échange du dresseur et du rongeur - voleta rapidement jusqu'à Sybille pour la ramasser, laissant tomber les canettes vides pour rattraper la crevette bleue avant qu'elle tombe dans une faille.
Duncan hésita. Il ne savait plus trop quoi faire. Pourquoi ne l'avait-on jamais préparé à ce genre de chose ? À ce genre de maître ? Il était un combattant destiné à diriger une équipe, certes, mais ce n'était tout de même pas son rôle de garder un œil sur l'être humain qui l'accompagnait ! Perdu et migraineux, le Pikachu finit par secouer la tête, dépité, avant de suivre la petite troupe en ressassant silencieusement ses problèmes.

À L'ENTRAÎNEMENT SUR LES RÉCIFS. - Partie II

La matinée était déjà bien avancée. La brise maritime était à présent un rafraîchissement bienvenu. Duncan continuait à ressasser ses pensées moroses tout en surveillant son dresseur. Le jeune homme semblait s'être remis à la chasse de Pokemon sauvages. Dès qu'il en aperçu un, un petit crustacé qui se dirigeait vers lui, Kenshîro le pointa de son Pokedex, observant les données qu'on lui présentait. Puis il appela son Pikachu qui, malgré sa tête ailleurs, rappliqua au galop. Il ne fit qu'une bouchée du Krabby, électrocutant la pauvre créature d'un simple Eclair.
Le rongeur sentait la sphère à son cou s'illuminer et crépiter chaque fois qu'il portait un coup. Cet objet lui conférait véritablement un surplus de pouvoir qui le poussait à puiser dans ses réserves cachées. Il ne s'était jamais senti aussi puissant. Sa joie aurait été parfaite s'il n'éprouvait pas encore quelque retenue en raison des derniers événements. Mais au moins... Kenshîro paraissait lui faire confiance à présent.

Il était agaçant de constater à quel point le garçon pouvait retourner sa veste en fonction de ce qui l'arrangeait. Maintenant qu'il se satisfaisait de son Pikachu, le pauvre Martel qui flottait derrière lui en gazouillant n'avait plus droit à aucun geste d'attention. Et c'était sans parler de la Flingouste nouvellement capturée qui, de toute façon, préférait rester en boule, logée au creux des bras du Prismillon. Duncan fronçait les sourcils, la mine basse, jetant de temps à autre un regard méprisant à son dresseur. Mais Kenshîro n'en avait que faire ; plongé dans son étude de la faune marine, il ne quittait pas son Pokedex des yeux, tout en avançant prudemment à travers les écueils.

Lorsque le soleil annonça la proximité du midi par sa hauteur et la chaleur lancinante avec laquelle il frappait, le dresseur imposa une petite halte dont le groupe profita pour s'installer à l'ombre d'un grand rocher, dans un creux de la falaise.

"Nous avons déjà rencontré trois formes de crustacés..." marmonna Kenshîro, toujours fixé sur son ordinateur de poche tandis que ses Pokemon entamaient un sachet de croquettes. "Je pense qu'il n'y a pas grand chose à craindre, tu pourras t'occuper de tout ce qui se présentera à nous, Duncan. Tous ces combats te rendront plus fort, et nous pourrons alors nous rendre à Hopa pour défier le champion d'arène."

Il lança à son Pikachu un sourire qui, à nouveau, lui fit froid dans le dos. Est-ce que son maître le jaugeait ? Il tenait vraiment à battre ce champion, mais Duncan pensait de plus en plus que ce n'était là qu'une étape pour mesurer sa force. Que se passerait-il lorsqu'ils auraient atteint ce but ? Feraient-ils route vers l'arène suivante ? Ou changeraient-ils radicalement de cap ? Avant que tout cela n'arrive, le rongeur devait absolument comprendre les intentions de son dresseur. Il le fallait.